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Mais la nouvelle de l’attaque dirigée contre lui par Bourdon (de l’Oise) lui parvint. Elle le convainquit de la nécessité d’aller reprendre son siège de représentant afin de confondre ses ennemis et de reconquérir son influence.

Un fait douloureux qu’il apprit en rentrant à Paris dut lui prouver qu’elle était singulièrement ébranlée. Le Comité de Sûreté générale avait, en son absence, ordonné l’arrestation du maréchal de Contades, épargné jusque-là. Le 8 décembre, les agens porteurs du mandat, n’ayant pas rencontré le vieux soldat à son hôtel de la rue d’Anjou, étaient aussitôt partis pour Livry. S’étant présentés au Grand Berceau, chez les dames Hérault, ils les avaient sommées de les mettre en sa présence. Elles ne pouvaient qu’obéir. Le maréchal occupait deux chambres au second étage, et s’y trouvait fort souffrant.

— Êtes-vous le citoyen Contades ?

— Moi-même.

— Nous avons l’ordre de vous arrêter. Êtes-vous ici chez vous ?

Sur sa réponse affirmative, on avait fouillé dans ses armoires et ses commodes sans découvrir aucun papier compromettant. Les agens auraient voulu l’emmener. Mais, l’état de sa santé ne le leur permettant pas, ils se contentèrent de le mettre en arrestation dans sa demeure où, sans doute, on l’eût oublié si, quelques jours plus tard, il n’avait commis l’imprudence de venir à Paris. Sa présence ayant été signalée, son hôtel de la rue d’Anjou vit se renouveler, le 25 décembre, les mêmes scènes que la maison de Livry. Puis on le fit monter en voiture pour l’incarcérer. Mais alors se produisit ce fait, peut-être unique dans l’histoire de la Terreur, d’un inculpé refusé par toutes les prisons où on le présentait, aucun gardien ne voulant recevoir ce vieillard de quatre-vingt-dix ans, courbé par l’âge et les infirmités, qui ne pouvait marcher que soutenu par deux hommes. Il fallut se décider à le ramener chez lui. On l’y laissa sous la garde d’un surveillant à ses gages, qui répondait de sa personne[1].

Nos documens ne mentionnent aucune démarche faite par Hérault de Séchelles à l’effet d’obtenir la mise en liberté du vénérable ami de sa mère et de sa grand’mère. Mais, s’il n’intervint pas en sa faveur, on ne saurait lui en faire un grief. Il était

  1. Tous ces détails sont extraits des procès-verbaux d’arrestation.