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encore ; n’importe, on aperçoit la fin de toute cette campagne, et, parmi les radicaux qui s’y sont associés, parfois avec plus de docilité que d’allégresse, on surprend quelques symptômes de lassitude. Le moment approche peut-être où les résistances qui se sont déjà manifestées deviendront plus actives. Le gouvernement et ses amis du premier degré en ont l’impression. M. Combes sent venir pour lui ce qu’on a appelé autrefois l’ère des difficultés, — car on ne peut pas faire toujours de la politique avec des gendarmes, des serruriers et des huissiers, — et, si sa velléité de retraite est sincère, c’est là qu’il faut en chercher le véritable motif.

L’incident de la Bourse du travail ne pouvait peut-être pas être prévu : le hasard a été pour quelque chose dans la détermination du moment où il s’est produit. Mais une difficulté d’un ordre plus grave devait inquiéter et menacer le ministère ; nous en avons déjà parlé il y a quinze jours : c’est la discussion devant le Sénat du projet Chaumié et du projet Béraud-Thézard, le premier favorable à la liberté de l’enseignement dont il maintient le principe, le second favorable au monopole universitaire. Il est singulier qu’on ait pu se demander ce que ferait le gouvernement, placé entre ces deux projets dont l’un est son œuvre propre ; on l’a fait pourtant. M. Chaumié a déposé son projet au début même du ministère, c’est-à-dire à un moment où les radicaux-socialistes n’avaient pas encore été rendus aussi exigeans qu’ils le sont devenus depuis, après avoir obtenu de si éclatans succès. Ce qui les satisfaisait alors, parce qu’ils ne croyaient pas pouvoir obtenir davantage, leur paraît aujourd’hui insuffisant, et le projet Chaumié a cessé de leur plaire. Que ferait le gouvernement ? Abandonnerait-il sa loi ? Se rallierait-il à celle de M. Thézard ? Chercherait-il quelque combinaison intermédiaire ? On se posait toutes ces questions à la veille du jour où le débat devait s’ouvrir. Mais, au fait, s’ouvrirait-il ? Et, s’il s’ouvrait, serait-il poursuivi jusqu’au bout ? On se le demandait aussi, et, comme toutes ces questions restaient sans réponse, une grande confusion régnait dans les esprits.

Quant à M. Combes, troublé par les divisions de la majorité, il suppliait éperdument ses membres de se réunir et de se mettre d’accord, acceptant d’avance tout ce qu’ils auraient décidé. Les quatre groupes de la majorité de la Chambre n’ont pas manqué de le faire. Mais alors une nouvelle question a été posée devant eux : pourquoi ne se réuniraient-ils pas aux groupes correspondans du Sénat pour délibérer en commun, rédiger un texte définitif, et arrêter impérativement le programme de leurs opérations futures ? Cette confiscation du