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En somme, plus de longues absences à redouter...

Pourtant, depuis quelques jours, on parle beaucoup d’une question d’Orient. L’éternelle question d’Orient ! Il serait fort possible qu’on se décidât à envoyer là-bas une division cuirassée. Et si le Faidherbe faisait partie de cette division, adieu vacances ! On sait en effet quand on part, — et encore ne le sait-on qu’au dernier moment, dans ce cas, — mais on ignore toujours quand on reviendra. Les peuples orientaux sont si habiles à gagner ou à perdre du temps, à promettre sans cesse, sans jamais tenir que lorsqu’ils y sont contraints ! D’autre part, il faut tant de délicatesse pour agir en pays ottoman, sans éveiller les convoitises ou les susceptibilités des nations rivales ou même amies ! Que de lenteurs inévitables !

Après tout, c’est avec joie que, malgré une nouvelle séparation, j’irais remplir une mission dans le Levant, et cette joie serait de l’enthousiasme si nous réussissions à faire œuvre utile pour notre cher pays. Mais, bah ! il ne s’agit, dit-on, que d’une question de créance particulière, — la créance Tubini-Lorando, — sur laquelle le Sultan, gêné dans ses finances, finira par céder si on lui donne du temps. Et la France, toujours généreuse, — toujours trop, — lui en donnera assurément. Le Faidherbe, j’en suis convaincu, pourra assister aux grandes manœuvres, puis subir l’inspection générale ; en septembre enfin, ses officiers et ses marins profiteront, comme les autres, des permissions généralement accordées à cette époque.


Arsenal de Toulon, 30 mai 1901.

Jusqu’ici, je ne me suis pas encore beaucoup occupé de mon nouveau navire, du moins dans ces pages : mais déjà mon journal technique s’est enrichi de quelques documens. S’ils sont peu nombreux, c’est que le Faidherbe, étant toujours dans l’arsenal, ne partage pas encore la vie active des autres bâtimens de l’escadre dont on voit, là-bas, les petites embarcations sillonner la rade. Il est toujours à sec dans son bassin, notre beau croiseur, sans une goutte d’eau autour de lui : il semble dormir dans un gigantesque berceau. J’ai profité de son sommeil et de sa nudité pour mieux l’étudier dans sa structure : ses formes, son éperon, sa cuirasse, ses doubles hélices, son compartimentage intérieur, ses tourelles fermées. J’ai tout visité, et, sans tout connaître encore, j’ai examiné ; pendant qu’on les démontait, les divers rouages qui