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Page:Revue des Deux Mondes - 1903 - tome 18.djvu/524

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Ainsi qu’il l’avait dit, l’amiral nous a rejoints mercredi matin avec le reste de l’escadre. Le soir, un paquebot a passé, nous apportant des lettres et des journaux : nos premières lettres depuis notre départ mystérieux de Toulon ! Par ces lettres, par les journaux, par les renseignemens recueillis à bord du navire amiral, par les télégrammes, écrits en français, qui sont affichés chaque jour au cercle de Syra, nous sommes au courant de tout, et les lacunes qui existaient dans nos cerveaux sont peu à peu comblées.

A notre grande surprise, nous voyons que, dès le lendemain de notre départ, dont le but avait été si soigneusement caché, — même à nous, — un télégramme était arrivé à Athènes, à Syra, et par suite à Constantinople, dans les termes suivans : « Sous prétexte d’exercices, une division française appareille de Toulon à l’effet d’aller en Orient occuper un port ottoman. » Aucun sémaphore pourtant n’a signalé notre passage, et d’ailleurs ce télégramme venait de Paris. Cela démontre, une fois de plus, combien, avec la multiplicité des informations actuelles, il sera difficile, en temps de guerre, de cacher longtemps les mouvemens des armées.

Il est vrai d’ajouter qu’avec cette information exacte, d’autres, entièrement fausses, avaient également circulé. Quand on ne sait pas, on invente : avant tout, il faut avoir l’air renseigné.

Quoi qu’il en soit, dès le 1er novembre, le Sultan, ayant appris que l’escadre avait appareillé de Toulon le 30 octobre et était rentrée incomplète le soir même, devait ajouter foi au télégramme, et aussitôt, en effet, il donna les meilleures preuves de sa volonté d’aboutir à une entente que son gouvernement entravait.

Tout porte à croire que l’entente était à peu près complète le jour même où notre escadre apparaissait devant Mytilène, ainsi que l’avait affirmé le gouverneur de cette île. Tout, pourtant, — tout le vieux dossier dont parlait le commandant, — ne devait pas être vidé entièrement ; et puis, nous étions arrivés, il était indispensable que la manifestation se poursuivît, si courte qu’elle dût être. Le mercredi 6 novembre, nous débarquions. Le surlendemain, le jour même où le Faidherbe entrait à Sigri, le Sultan, bien que le 8 novembre fût un vendredi, jour de sélamlik, signait un iradé qui donnait à la France les plus complètes satisfactions sur tous les points. Le gouvernement de