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Page:Revue des Deux Mondes - 1903 - tome 18.djvu/588

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neutralisation des provinces de Battambang et d’Angkor et d’une bande de 25 kilomètres sur la rive droite du Mékong, en nous permettant d’occuper Chantaboun à titre de gage, non seulement il faisait définitivement, du Mékong et du Grand-Lac, un système hydrographique français, mais il nous donnait le moyen de rendre à leurs légitimes propriétaires, lorsque l’étendue en serait déterminée par une enquête sérieuse, toutes les provinces annamites, laotiennes ou cambodgiennes injustement enlevées par les Siamois ; il nous fournissait, pour ainsi dire, des têtes de pont pour continuer notre expansion vers l’ouest et exercer une influence de plus en plus forte à Bangkok. Enfin, la clause, volontairement vague, concernant la protection des indigènes originaires de nos possessions, nous permettait d’inaugurer la plus féconde des politiques, celle qui eût consisté à nous faire partout les champions des races opprimées et à nous appuyer sur elles. Ainsi le traité de 1893 aurait pu être la base et aurait dû être le prélude d’une politique d’action.

Nous avions trouvé devant nous, en 1893, la Grande-Bretagne elle-même : c’est donc avec elle qu’il fallait tout d’abord traiter la question du Mékong et celle du Ménam. Ce fut le but de la campagne diplomatique qui aboutit au protocole du 15 janvier 1896. Il garantissait l’indépendance complète du royaume de Siam dans tout le bassin du Ménam et reconnaissait, à chacune des deux puissances contractantes, les mêmes droits et les mêmes avantages qui pourraient être accordés à l’autre ; elle déterminait, à l’Est, une zone comprenant tout le bassin du Mékong, où l’action de la France pourrait s’exercer librement, et, à l’Ouest, une autre zone, comprenant toute la péninsule de Malacca, où l’Angleterre pourrait à sa guise développer son influence ou établir sa domination. Ainsi disparaissait l’obstacle qui aurait pu nous empêcher de tirer, de la convention de 1893, tous les avantages que nous étions en droit d’en espérer.


III

Ces tranches énormes que la diplomatie d’aujourd’hui découpe dans des régions à peine connues et qu’elle dénomme, en son langage plein de pudeurs et de réticences, des « zones d’influence, » il ne suffit pas d’en marquer sur une carte les frontières ; il faut encore rendre effective l’« influence » prévue