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préfets une circulaire leur recommandant de se borner, lorsqu’ils seraient consultés par l’autorité militaire, à émettre un avis aussi succinct que possible, par oui ou par non, sans jamais faire connaître les motifs de leur décision[1].


Amis ? Oui. Adversaires ? Non. Quittance de « nos comités ? » Avis favorable du préfet ; sursis ou congé de moisson. Pas de quittance : refus sans motifs.

Dans la marine. Rapportons-nous-en à M. Lockroy ; c’est lui qui écrit[2] :


On s’occupe ou l’on paraît s’occuper de la démocratie maritime, des « humbles, » comme on dit, mais c’est à la condition que ces « humbles » soient armés d’un bulletin de vote. Quand la loi exclut les « humbles » des élections législatives ou même des élections municipales, les « humbles » ne sont plus l’objet d’aucune faveur : on pourrait dire d’aucune justice.


Bulletin de vote : faveur ; pas de bulletin : plus de justice. La « démocratie maritime » est traitée comme le reste de la démocratie.

Et dans la justice professionnelle, dans la justice des juges. Du Temps encore, une autre information :


C’est bien sur l’intervention du sous-préfet près du tribunal de Lorient que celui-ci reprit audience, vendredi, pour décider, par un second jugement, l’élargissement des condamnés. Le sous-préfet et l’adjoint au maire avaient, avant l’audience, promis que les grévistes et autres manifestans seraient remis en liberté. Les présidens des syndicats déclaraient ne répondre de rien si cette promesse n’était pas tenue. Il fut très difficile d’obtenir du tribunal le second jugement. Le président fut même indisposé et pris de syncope au milieu de la discussion[3].


Les grévistes votent ; ce sont des amis, et la magistrature n’en est pas à un service près, — ni à une humiliation. Si le président a des scrupules qui le font tomber en syncope, c’est un mauvais juge : les bons, « les nôtres » n’hésiteraient pas. Dans l’armée, dans la marine, dans la magistrature, il n’y a que gens qui sont « avec nous, » donc à nous ; et gens qui sont « contre nous, » et qui ne sont donc rien.

  1. Autre chose : au sujet de la nomination toute récente du gouverneur militaire de Lyon, M. Krauss, député socialiste du Rhône, est révolté, — tant le contraire est passé en force d’habitude ! — de ce que « le général André n’a pas même daigné consulter les dix députés ministériels » du département. — Le Temps du 22 octobre.
  2. Le Temps du 23 août.
  3. Dépêche datée de Lorient, 9 août.