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L’archipel s’étend sur une longueur d’environ 400 kilomètres, du 76° au 80° 30’ degré de latitude. Bien que situé sous une latitude aussi élevée, il a l’avantage sur les autres terres voisines du pôle d’être dégagé des glaces du côté de l’Ouest pendant deux ou trois mois de l’année. On chercherait vainement dans la région circumpolaire une autre contrée offrant les mêmes conditions : toutes les terres situées sous le même parallèle sont enfermées dans les glaces, à des centaines de lieues de la mer libre ; partout ailleurs, à pareille latitude, on se trouverait dans des déserts inaccessibles.

C’est à raison de sa facilité d’accès et de sa grande proximité du pôle que le Spitzberg fut le point de départ de la malheureuse tentative d’Andrée pour gagner le pôle Nord en ballon. L’île des Danois, où il fit ses préparatifs, est située sous le 80e degré, latitude que Nansen ne put atteindre sur le Fram qu’après avoir été bloqué six mois dans la banquise, où il n’avançait que de deux mètres par minute, à peine une demi-lieue par jour ! En certaines années, la mer libre s’étend même bien au delà de l’extrémité septentrionale du Spitzberg ; c’est ainsi qu’en juillet 1896 le capitaine Bade ne rencontra la banquise qu’au 81e degré 37 minutes, en sorte que de simples touristes purent avoir la bonne fortune de s’approcher plus près du pôle que ne l’ont pu faire maintes expéditions polaires.

Le Spitzberg est donc, de toutes les terres qu’on rencontre sur la route du pôle, celle qui se laisse le plus facilement aborder. Ce phénomène est dû principalement au voisinage des eaux tièdes du Gulf-Stream, qui, après avoir doublé la dernière pointe d’Europe, se dispersent dans l’océan Glacial et vont se perdre dans les parages de l’île des Ours (Beeren Eiland), où elles s’évaporent sous la forme de brouillards au contact des courans froids venus du pôle, en sorte que cette île est presque toujours enveloppée d’un voile de brumes. Une autre cause du privilège dont jouit la côte occidentale du Spitzberg d’être accessible en été est le régime des vents qui, dans ces parages, soufflent généralement du Sud au printemps. Enfin, si l’on considère que la mer n’est pas, comme la terre, conductrice du froid, l’on comprend que la douceur relative de la température de cette région est due aussi à l’absence de toute terre dans les parages qui s’étendent du Spitzberg au pôle. La côte Ouest est, toutefois, seule favorisée de ce privilège exceptionnel ; la côte Est, qui ne reçoit ni les tièdes