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était, est et demeure le projet du gouvernement, en ce qu’il prétendait réglementer la liberté par une nouvelle et plus dure « exigence, » devant laquelle non seulement M. Chaumié, mais M. Combes lui-même avaient reculé : la nécessité d’une « autorisation spéciale, » d’ailleurs révocable ad nutum, avec l’arbitraire aux deux bouts. — Non, répétait M. le ministre de l’Instruction publique ; l’égalité des grades, soit ; le contrôle, soit ; l’inspection, rien de mieux ; mais, d’autre part, rien de plus : votre « autorisation » ne serait que le monopole déguisé.

C’est la thèse même, — bien entendu, cette dernière thèse seulement que l’autorisation spéciale ne serait qu’un travestissement du monopole, car les catholiques et le gouvernement de M. Combes ne sauraient concevoir de la même manière la liberté de l’enseignement, — c’est donc cette dernière thèse que M. de Lamarzelle est venu soutenir dans le premier des deux très remarquables et l’on peut dire vraiment des deux très beaux discours qu’il a prononcés en cette occasion. Il a trouvé, pour caractériser le régime rêvé par la commission et son rapporteur, une formule aussi exacte que pittoresque : « Partisans de la liberté de l’enseignement avec un projet semblable, c’est absolument comme si vous veniez déposer un projet de loi sur la presse disant : « La liberté de la presse existe ; seulement aucun journal ne pourra paraître sans être autorisé par une loi. » La commission a rejeté le projet de M. Béraud : mais celui qu’elle nous présente aujourd’hui se résume ainsi : « L’enseignement est libre ; seulement aucun établissement d’enseignement secondaire ne pourra être ouvert sans un décret. » De ces deux façons de comprendre et d’assurer la liberté de l’enseignement, celle de M. Béraud et celle de la commission, laquelle pouvait être le plus libérale ? M. de Lamarzelle préférait encore celle de M. Béraud : mais d’en être réduit à préférer l’une ou l’autre, c’est un grand signe que le sens même du mot liberté est oblitéré et perdu.

Ne comptons pas sur M. Clemenceau pour lui restituer son ancienne valeur. L’intervention du leader radical, — qui dans la circonstance n’était que le leader de lui-même, — a été, avec celle de M. Waldeck-Rousseau et le duel quelles ont eu pour conséquence, l’événement de ce long et parfois passionnant débat. Quel scandale sur les bancs où siège M. Clemenceau, lorsque ceux qui lui font ordinairement cortège l’ont entendu chanter, car il est volontiers lyrique, son hymne à la liberté : « Un bulletin de Liberté générale va se rencontrer avec le bulletin d’hommes qui ne réclament la liberté que pour eux-mêmes... Je repousse l’omnipotence de l’État