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Page:Revue des Deux Mondes - 1903 - tome 18.djvu/875

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et temporelle pour le germanisme : on le voit assez par les polémiques que suscite outre-Rhin l’attitude du parti du Centre. Il importe donc aux fervens de la race septentrionale, d’écarter préalablement ce fantôme anti-germanique, s’ils veulent tenter de bâtir ensuite, sur les assises morales héritées par notre âge, un temple nouveau qui soit bien accommodé aux exigences minutieuses de l’hygiène nordique.

Au moment d’entamer sa campagne d’assainissement religieux, M. Chamberlain, toujours disposé d’ailleurs à s’enflammer soudain de sympathie pour les adversaires les moins ménagés par sa plume, rencontre pourtant un aspect de l’activité romaine qu’il est contraint d’admirer et d’applaudir en bonne logique ; c’est le côté gouvernemental et organisateur du catholicisme. Il sait les dangers du fractionnement préparé par l’individualisme protestant, par les « variations « inséparables de l’inspiration personnelle. « Tout schisme, dit-il, doit nécessairement préparer des schismes nouveaux[1]. » Au lieu que la thèse qui proclame non seulement l’autorité spirituelle du pape, mais encore sa suzeraineté temporelle et le droit supérieur de l’Eglise universelle sur les choses de ce monde, est une idée grandiose, fondée d’ailleurs dans la doctrine et dans la vie même du Christ[2]. Combien plate serait une pensée qui n’en saurait pas discerner la beauté et la force incommensurable ! L’Église cherche à réaliser avant tout le bonheur présent de ses fidèles : non contente de préparer leur avenir céleste, elle entend faire de ce monde passager un vestibule magnifique de l’au-delà. Si certaines concessions préliminaires, indispensables à l’unité de la foi, lui sont préalablement consenties, Rome montre la plus vaste tolérance et l’esprit le plus large. En savoir d’organisation, en puissance de tradition, en expérience de l’humanité, elle possède un trésor « plus grand et plus admirable qu’on ne saurait le dire en paroles. » Dans les notions de catholicité, de continuité du pouvoir spirituel, d’infaillibilité, d’institution divine, de révélation incessante et universelle, de royaume de Dieu sur terre, de pasteur suprême représentant du ciel[3] ; dans tout cela, il y a tant de bon et tant de beau que la croyance sincère à ces choses doit nécessairement donner la force ! Et qui le sentirait mieux que l’homme

  1. p. 680
  2. P. 672.
  3. P. 679.