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sont toujours fort au-dessous du niveau le plus médiocre. Il abonde en propos oratoires, et en défaillances de conduite. C’est un faible, c’est un mou, c’est un pauvre homme, c’est surtout un sot. Mais, des sots, il y en a dans tous les partis politiques comme dans toutes les classes de la société, et dans tous les mondes comme dans toutes les religions. Vraiment ce n’est pas là un suffisant élément de classification. — Judith, après six mois de mariage, est lasse de son mari ; après six mois d’union libre, elle est lasse de son amant. Elle le quitte, et il y a tout lieu de supposer qu’elle ira ainsi d’expériences en expériences, entraînée par une curiosité qu’il est pourtant difficile d’appeler intellectuelle. Voilà une petite femme qui aime le changement. Ce n’est certes pas une femme de foyer ; ce serait plutôt le contraire. Mais c’est là une affaire de tempérament, non de race. Il n’y a rien de plus individuel.

Et enfin, lorsqu’on s’attaque à l’une des plaies les plus douloureuses d’une époque, on a, de ce fait même, contracté l’engagement de traiter son sujet avec sérieux. Amour de la patrie, culte de l’humanité, attachement aux traditions, ce sont de beaux sentimens dont l’expression sonne d’étrange façon parmi les jeux de mots, les à peu près et les plaisanteries dont M. Donnay émaille son dialogue. Quelles que soient, parmi les idées qui se heurtent ici, celles pour lesquelles on est tenté d’éprouver une secrète sympathie, on ne peut qu’être chagriné de les rencontrer en si fâcheuse compagnie. Cette pièce, dont l’intrigue est banale, et qui dans son allure réussit à être à la fois superficielle et lourde, donne surtout l’impression de l’incohérence et du décousu. En changeant de sujets, M. Donnay ne se soucie pas de changer de manière. Plus les sujets qu’il aborde deviennent sérieux, plus la manière dont il les traite apparaît insuffisante.

Le rôle de Judith a été pour Mme Simone Le Bargy l’occasion d’une création des plus remarquables. Son jeu est, par instans, trop trépidant. Mais elle est d’ailleurs vivante, nerveuse, passionnée, compliquée à souhait. Mme Mégard a joué avec beaucoup de simplicité et de largeur les deux grandes scènes du rôle de Suzanne Aubier. M. Dumény et M. Calmettes se sont tirés à leur honneur de rôles difficiles.


R. D.