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en faveur du maintien du Concordat et du budget des cultes. Une de ses commissions étudie tous les projets relatifs à la séparation, et prépare un texte définitif à lui soumettre : dans cette commission elle-même, la majorité tient à une voix. Il semble donc qu’à la Chambre, l’opinion du ministère fera pencher la balance dans un sens ou dans l’autre, et jamais responsabilité plus écrasante n’aura incombé à un gouvernement moins capable d’en comprendre la gravité et d’en mesurer l’étendue. Quant au Sénat, on a vu tout récemment encore quelle était sa pensée propre. Appelé par les radicaux à se prononcer sur le passage à la discussion des articles du budget des cultes, il l’a voté par 200 voix contre 73, ce qui est une belle majorité. On peut dire sans doute que quelques partisans de la séparation ont voté le budget des cultes, le jugeant indispensable jusqu’à ce que la séparation soit faite ; mais cette interprétation du vote ne serait pas exacte, car il s’agissait de faire une manifestation dont tout le monde savait bien qu’elle n’aurait pas de conséquences immédiates : on voulait seulement se compter. Les partisans de la séparation étaient donc bien à l’aise, et ceux qui n’ont pas profité de l’occasion qui leur était offerte sont pour le moins des tièdes. Le gouvernement n’a rien dit, pas plus d’ailleurs que les partisans ou que les adversaires de la mesure. A. quoi bon des discours ? Chacun n’a-t-il pas son opinion faite ? Il n’y a pas eu même un simulacre de débat. On a voté en silence, et le résultat du scrutin a été celui que nous avons fait connaître : d’où il faut conclure que le Sénat est hostile à la séparation de l’Église et de l’État, et qu’il la verrait se produire avec la plus grande inquiétude. Mais il n’est pas probable que ceux qui la veulent d’une volonté forte s’arrêtent à cette considération. Ils agissent en ce moment sur M. le président du Conseil. De discours en discours, on a vu sa pensée, d’abord très flottante, se préciser davantage, et toujours dans le sens de la séparation. Il a accusé l’Église d’avoir violé le contrat qui la lie à l’État, et la dénonciation du Concordat a pris dans sa bouche la forme d’une menace. Le seul signe que donne M. Combes de la conscience qu’il a, au moins d’une manière intermittente, de ce qu’aura de redoutable devant l’histoire la responsabilité à encourir, est qu’il voudrait bien la rejeter sur l’Église. Il ferait volontiers passer Léon XIII pour un pape intransigeant, qui aurait accumulé contre la République française les actes de maladresse ou même de malveillance. Ce travestissement de la vérité ne lui coûte rien pour arriver à dire que ce n’est pas lui qui a fait la séparation, mais le pape, mais l’Église, mais le clergé ! En même temps il s’efforce, par les mesures qu’il prend et par le langage qu’il tient, de