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Page:Revue des Deux Mondes - 1904 - tome 19.djvu/298

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l’Église romaine la juvénilité romantique, sans prétendre que le catholicisme n’ait été rien de plus, pour les hommes de cette génération, qu’un caprice d’artistes, il faut reconnaître que c’est dans leurs rêveries d’esthètes et dans l’exercice de leur métier littéraire qu’ils entrevirent, en faveur de l’ancienne foi, ces « raisons du cœur, » que la raison ne soupçonne point. Le cœur d’ailleurs, chez beaucoup, s’arrêtait en route, comme la raison même ; et l’un des derniers d’entre eux, — catholique de naissance, celui-là, et catholique de pratique, — Joseph de Eichendorff, put déplorer, plus tard, que l’école romantique, en son ensemble, se fût trop contentée d’une « nouvelle mythologie chrétienne. »

Un étrange petit récit, qu’il intitula : la Statue de marbre, semble symboliser, sous les voiles dont l’imagination romantique aimait la parure, le retour de la poésie vers les sources chrétiennes. Florio, épris de l’Olympe et spécialement de Vénus, est entraîné par une dame, qui ressemble à Vénus, dans les splendeurs païennes d’un beau château : l’art antique y prodigue ses charmes, et semble les y prostituer. Mais des changemens de décor surviennent : par la vertu d’un coup de baguette, voici que Florio, ayant à côté de lui le poète chrétien Fortunato, n’aperçoit plus qu’un amoncellement de ruines. Florio avait assisté à la descente annuelle de Vénus ; mais Fortunato chante la victoire d’une autre image de femme, « qui tient, la prestigieuse, un enfant dans ses bras : et une pitié céleste pénètre le monde entier. » Florio, c’est le classique ; Fortunato, c’est le romantique. Dès le lendemain du poème de Schiller sur les Dieux de la Grèce et des Élégies romaines de Gœthe, un Fortunato s’était rencontré, pour saluer comme une Muse, et même comme quelque chose de plus, « la femme qui tient, la prestigieuse, un enfant dans ses bras. » Les Hymnes à la Vierge, de Novalis, étaient beaucoup mieux qu’un jeu de symbolisme, et les Hymnes au Christ, chantés par le même poète, exprimaient avec une profondeur toute nouvelle, comme l’écrivait naguère le romancier Théodore Fontane, 1’« aspiration des âmes vers la Croix. »

Novalis, d’ailleurs, fut une exception d’élite : en général, les romantiques, pour trouver la Vierge et les saints, remontent dans le moyen âge plutôt qu’ils ne montent au ciel ; et c’est un caractère de ce réveil catholique, d’avoir été en quelque mesure une tentative archéologique. Gœthe avait eu plus d’intelligence