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Page:Revue des Deux Mondes - 1904 - tome 19.djvu/309

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que son grand tableau du Triomphe de la Religion dans les Arts recevait de l’histoire contemporaine une justification propice ; et qu’après s’être convertis au catholicisme, les héritiers des Nazaréens réussissaient à convertir l’Eglise allemande aux saines traditions de l’art chrétien. Le temps n’était plus où, pour décorer son palais, un prince-évêque de Wurzbourg invoquait le somptueux et profane pinceau de Tiepolo ; le temps n’était plus où le prince-primat Dalberg et le peintre Cornélius ne s’accordaient point sur la fourniture d’une Sainte-Famille, parce que le primat voulait des anges de boudoir, et que le peintre esquissait des anges du ciel. Et, tout au contraire, c’étaient l’Allemagne protestante et l’Allemagne indifférente qui, pour éveiller ou restaurer le sentiment de la beauté, faisaient appel à un art issu du catholicisme.


VI

Les surprises dont le romantisme était prodigue, — surprises de poésie, surprises d’archéologie, surprises d’art, — ranimèrent et relevèrent la fierté allemande : elle y cherchait cette revanche qu’exigeaient les accablemens de l’histoire présente et qu’elle n’osait point encore attendre de l’avenir. Satellites malgré elles de l’astre napoléonien, dont l’éclat les offusquait lors même qu’il les fascinait, les populations allemandes retrouvaient, dans le double exode des imaginations vers le passé et vers la beauté, quelque conscience de leur valeur et quelque confiance en l’avenir. « C’était pour nous une grande joie, écrivait plus tard Ringseis, médecin de Louis de Bavière, de pouvoir, en de nombreux domaines, nous si longuement humiliés, nous vanter d’une supériorité sur nos orgueilleux ennemis. » Philologues et littérateurs prenaient l’histoire du moyen âge pour consolatrice, moins en y cherchant des leçons sur les vicissitudes des choses humaines, qu’en constatant qu’il y avait eu une époque où le peuple germanique avait été l’artisan d’œuvres grandioses. Les artistes à leur tour, laissant aux Gœthe et aux Schiller la coquetterie d’être des « citoyens du monde, » aspiraient à être, tout à la fois, « intimement chrétiens et intimement allemands ; » le mot est encore de Ringseis. « On revient de Rome plus allemand qu’on n’y était arrivé, ajoutait-il ; et cela résulte, en partie, de ce qu’on vit, là-bas, dans un cercle de compatriotes