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Page:Revue des Deux Mondes - 1904 - tome 19.djvu/620

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de son culte pour Raphaël, dont il a laissé quelques copies d’une telle pureté qu’on pourrait presque les comparer aux originaux eux-mêmes, tant il s’en est approprié le charme pénétrant. Ce fut grâce à l’initiative d’Ingres, qui, pour ce travail, obtint l’ouverture d’un crédit de 100 000 francs, que les frères Balze, deux de ses plus fidèles disciples, entreprirent la copie des Stanze, de Raphaël. S’étant porté garant de leur talent et du zèle qu’ils apporteraient « à cette tâche honorable et difficile, » Ingres se fit un devoir, pour lui particulièrement doux, d’en surveiller l’exécution, réalisant ainsi le vœu de M. de Montalivet, qui, dans une lettre du 31 janvier 1839, l’invitait à suivre et à examiner de près cette importante reproduction destinée à l’Ecole des Beaux-Arts.

La correspondance d’Ingres avec les ministres de l’Intérieur[1], qui, pendant la période antérieure au cabinet Guizot, se succédèrent, nombreux, fut très active. Thiers, notamment, s’occupa beaucoup des affaires relatives à l’Académie de France. C’est ainsi qu’on le voit, sur la demande d’Ingres, accorder à un jeune compositeur destiné à devenir célèbre, Ambroise Thomas, « une prolongation de six mois pour exécuter en Italie un travail qui lui est demandé par ce pays[2]. » Cette autorisation, toutefois, était subordonnée à la condition que M. Ambroise Thomas passerait six autres mois en Allemagne. Cette circonstance ne fut vraisemblablement pas sans quelque influence sur l’avenir musical du futur auteur de Mignon.

Dans une autre lettre, Thiers prescrit « l’exécution d’un moulage du groupe de la Pietà, de Michel-Ange, par un habile praticien autrefois employé par Canova. » Très attaché aux prérogatives de l’Institut comme aux droits de l’Etat, Thiers, plus que personne, tint la main à la stricte exécution des règlemens de l’Académie. Le 11 décembre 1834, pour ne citer que cet exemple, sur l’avis de la section des Beaux-Arts, il décide « que les pensionnaires logés hors du palais de l’Académie de Rome y seraient rentrés avant le 31 décembre, époque où toutes les dispositions contraires aux règlemens devraient avoir cessé d’être tolérées. »

Déjà, faisant allusion au laisser aller qui s’était produit sous le directorat d’Horace Vernet, Thiers avait écrit à Ingres : « J’ai

  1. C’était au ministère de l’Intérieur qu’était alors rattachée l’Académie de France.
  2. Archives de l’Académie de France.