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caillou est rare, presque introuvable. Le gouvernement de Tobolsk en reçut 146 000 ; celui de Tomsk, 645 000 ; celui d’Akmolinsk, 145 000 ; Iénisséisk, 99 000 seulement, et principalement dans le district, exceptionnellement favorisé par la nature, de Minoussinsk. Sémipalatinsk, sur les confins du Turkestan, n’en vit arriver que 19 000, et les territoires glacés d’Irkoutsk, 3 600. Plus loin encore de l’Europe, et dans un climat également inclément, dans la province de l’Amour et le Territoire Maritime ou de l’Oussouri, bien qu’on eût alléché, par l’octroi de 100 hectares à chaque famille, les émigrans, dont la politique de poussée vers l’Océan Pacifique faisait vivement désirer une large affluence, 34 000 seulement vinrent s’établir. C’était un premier échec, dû aux fatalités du climat. D’autres suivirent. Les clairières et les marais s’obstinèrent, malgré le drainage et les forages de puits, à demeurer stériles ; de mauvaises récoltes, en 1900 et 1901, éprouvèrent durement les colons, et l’enthousiasme des premiers jours tomba si bas, qu’un tiers de ceux qui arrivèrent ces deux années-là reprirent le chemin de la Russie.

L’exutoire ouvert par Alexandre III était donc d’une insuffisance démontrée. De plus, et tandis qu’il ne réussissait pas à l’épuiser, le trop-plein des Terres Noires continuait à monter. La population agricole y augmentait d’un million et demi d’âmes par année. Le malaise économique suivait une marche ascendante, révélée, de temps en temps, par de véritables scènes de jacquerie ; et le gouvernement, voulant empêcher ses malheureux sujets d’aller trouver la mort dans un sol occupé déjà ou inutilisable, replaçait des cordons de postes tout le long de l’Oural pour supprimer de nouveau l’infiltration de la Russie d’Europe dans la Russie d’Asie. Le tsar Nicolas II dispose donc d’une masse énorme de colons, auxquels manque une région colonisable.


La situation est identique au Japon. Cet empire, entièrement océanique, s’étend sur un archipel de 487 îles, mesurant 41 738 155 hectares, dont 2 774 339 cultivés en rizières ; 1 791 734 en blé, orge et seigle ; 1 649 224 en pois, haricots, millet, sarrasin, colza, pommes de terre, patates, coton, chanvre, tabac, indigo ; 3 150 491 en mûriers ; et 58 863 en thé. Au total, un peu moins du cinquième de la surface du sol, soit 9 343 951 hectares, produit de quoi alimenter directement la population. Mais les forêts couvrent 13 334 627 hectares, et le reste, — 19 059 579 hectares, — n’est que montagnes, pelouses, étangs, marais, lits de cours d’eau, tourbières, broussailles et centres habités.

Et il est très difficile et très dangereux de défricher la zone fores-