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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




31 janvier.


La séance que la Chambre des députés a tenue le 22 janvier est une des plus pénibles dont elle nous ait donné le spectacle. On y a discuté, au milieu du bruit, des interruptions, des vociférations de la gauche et de la droite, l’expulsion de M. l’abbé Delsor, député alsacien au Reichstag allemand. Nous ne reviendrons pas sur des faits connus de tous ; les journaux en ont été remplis depuis plus de quinze jours. M. l’abbé Delsor s’était rendu à Lunéville, où il devait prendre la parole dans une réunion privée. Sans lui laisser le temps de le faire, en prévision d’un discours qu’il n’avait pas encore prononcé, mais dont les tendances lui étaient suspectes, l’administration préfectorale a pris contre lui un arrêté d’expulsion où les mots d’ « étranger » et de « sujet allemand » étaient en quelque sorte prodigués, l’un venant à l’appui de l’autre. En vérité, l’un des deux aurait suffi ! L’arrêté lui ayant été notifié, M. l’abbé Delsor a regagné aussitôt la frontière ; mais l’incident a produit l’émotion la plus vive, et les amis mêmes du gouvernement, quelque décidés qu’ils fussent à le soutenir quand même et à tout prix, reconnaissaient volontiers qu’une lourde maladresse avait été faite. Ses adversaires n’en étaient pas moins convaincus. 11 en est résulté de part et d’autre une polémique d’une violence extrême, où les intérêts les plus sacrés se sont trouvés engagés et plus ou moins compromis.

Il est presque toujours mal à propos de parler de l’Alsace et de la Lorraine ; il l’est eneore bien plus de les mêler à nos querelles intérieures. Mais comment échapper à ce péril ? Comment empêcher les partis de se servir de l’arme à deux tranchans qui leur avait été fournie ? Comment fermer la tribune à un débat ? Cela paraissait difficile