Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1904 - tome 19.djvu/900

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Dans les brumes de l’autre rive...
Et c’étaient mes propres printemps,
Les jours dorés de mes vingt ans
Qui s’en allaient à la dérive.

Jamais je ne les reverrai
Rentrer sous mon toit délabré ;
Mais, par le soleil ou le givre,
D’autres jeunesses verdiront ;
D’autres couples d’amans viendront
Savourer la douceur de vivre.

Il n’est pas de morte-saison,
L’hiver même a sa floraison.
Et toi, rouge-gorge fidèle,
Toi dont le cœur ne vieillit pas,
À ces heureux tu rediras
Ta chanson d’amour immortelle.

LA FORÊT


Puisque nous voilà tous, en la saison des nids,
Comme une Théorie antique, réunis
Sous le dôme feuillu de la forêt tranquille,
Jeunes ou vieux, enfans des bourgs ou de la ville,
O mes amis, chantons les arbres et chantons
La majesté des bois sonores et profonds.
Voici le temps où leur royaume se décore
De plus de poésie et de grâces encore :
— Les taillis sont fleuris et verts comme un jardin,
Le regard réjoui plonge ainsi qu’en un bain
Dans l’épaisseur de l’herbe et la fraîcheur des combes ;
Les derniers rossignols et les douces palombes.
Les loriots avec les grives, tour à tour.
Mêlent l’enchantement de leurs hymnes d’amour
Aux carillons épars des cloches des dimanches ;
Tandis que, par le souple écartement des branches,
Tout là-bas, le miroir du lac qui transparaît
Envoie un large et bleu sourire à la forêt.
Donc unissons nos voix, amis, comme il est juste,
Pour célébrer l’honneur de l’arbre et de l’arbuste.