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Page:Revue des Deux Mondes - 1904 - tome 19.djvu/904

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fois par hasard les deux nations ont échangé leur méthode traditionnelle. Mais cet échange, — je le dirai tout de suite, — a aussi bien réussi à l’une qu’à l’autre, puisque les deux organismes ainsi créés paraissent vigoureux et bien vivans, appelés à une longue et utile carrière et qu’en dépit des moyens employés, ils sont profondément empreints de la pensée nationale.


I

C’est en 1828 que l’Université de Londres s’ouvrit dans les locaux occupés aujourd’hui par University College. Il ne s’agissait nullement de doter la grande cité d’une Université qui lui fût propre. Londres, simple agglomération de clubs, de théâtres, d’églises, de banques et de boutiques, Londres, résidence temporaire de l’aristocratie pendant les trois mois de la saison et habitation permanente d’un million d’êtres appelés Cockneys dont, seul, Charles Lamb avait eu, jusque-là, la patience d’étudier le caractère et les mœurs, Londres ne réclamait rien, ne se croyait en droit de rien réclamer. Les gens bien nés et bien élevés, au sortir des public schools, passaient trois ans à Oxford, à Cambridge ou à Dublin. On savait vaguement qu’il existait en Ecosse deux ou trois vieilles Universités où de pauvres diables travaillaient désespérément pour acquérir un peu de latin, de grec ou de philosophie et s’en faire un gagne-pain. Quant à assurer les « bienfaits de l’éducation supérieure » aux Londoniens, l’idée eût paru vraiment drôle et on en eût beaucoup ri entre Hanover Square et Park Lane.

Alors pourquoi une Université ?

Simplement, pour donner un Status universitaire à toutes les catégories d’étudians que le serment religieux (test) excluait d’Oxford, de Cambridge et de Dublin, aux catholiques, aux Israélites et, surtout, aux non-conformistes. Moins nombreux, mais plus influens, les libres penseurs, groupés autour de Jeremy Bentham, entendaient profiter de la nouvelle institution qu’ils avaient contribué à créer et qui s’ouvrait sous leurs auspices. Ce qui lui valut l’honneur de compter John Stuart Mill parmi ses premiers élèves. Sa statue décore aujourd’hui le hall de la Faculté des arts, à University College.

Pendant dix ans, l’Université primitive fit des cours et distribua des diplômes. Les choses marchaient bien, si bien qu’on