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pouvons en juger jusqu’ici que par ce qu’il nous a été donné de voir. Le gouvernement russe a montré un calme et un sang-froid qui auraient été les meilleures garanties de la paix, si elle avait pu être maintenue. L’empereur Nicolas la voulait sincèrement, et fortement, et il était disposé à faire de grandes concessions pour la conserver. S’il n’y a pas réussi, qui oserait s’engager à être plus heureux que lui, quoi qu’il advienne ? La lenteur que son gouvernement a mise à la rédaction de la dernière note, lenteur dont le Japon lui a fait un grief, est une preuve de plus de sa conscience scrupuleuse : on pèse longtemps les mots lorsqu’ils peuvent contenir la guerre. En même temps, la Russie a poussé ses armemens avec une activité extrême, et c’est un nouveau reproche que le Japon lui adresse. Il est bien vrai que la Russie a fait de grands préparatifs ; mais ce qui s’est passé depuis montre surabondamment qu’elle avait raison de le faire, et que les chances de paix étaient beaucoup moindres qu’on ne l’a cru généralement en Europe. Quant au Japon, à supposer même qu’il eût les meilleurs motifs de précipiter les hostilités, il a mis tous les torts de forme de son côté. S’il avait attendu un ou deux jours de plus, il aurait eu la note russe, et il lui suffisait d’une heure pour procéder correctement à la déclaration de guerre, ce qu’il a regardé sans doute comme une formalité insignifiante et négligeable. Quels que soient nos sentimens à l’égard de la Russie, notre alliée en Europe et notre amie partout, notre jugement reste impartial et équitable. Il n’est pas douteux que le Japon a voulu la guerre ; qu’il l’a cherchée ; qu’il l’a provoquée : on verra bientôt s’il n’a pas lieu de s’en repentir.


FRANCIS CHARMES.


Le Directeur-Gérant

F. BRUNETIERE.