Bonsoir, cher touriste bretonnant, revenez avec des longs cheveux, des sabots et des mains noires, et dites-moi si, au fond, la civilisation vaut mieux que la barbarie. Un Espagnol qui a six sous dans sa poche refuse de l’ouvrage et va danser, dormir ou faire l’amour ; un Anglais riche vient faire respirer à son spleen le brouillard des Eaux-Bonnes. — Lequel vaut-il mieux être, et un Breton est-il plus heureux qu’un Parisien ?
A bientôt, n’est-ce pas ? Guéri ou non guéri, j’irai serrer la main de Cornélis et la vôtre.
Paris, 19 octobre 1855.
« Madame, un déménagement, la philosophie, M. Cousin, M. Hachette, les astres et diverses autres choses sont les causes de mon silence et de mon embarras. »
Sganarelle a répondu pour moi, mon cher Guillaume. Je suis allé chez vous en arrivant : maison vide, j’apprends que vous ne reviendrez ici qu’au 1er novembre. J’habite présentement une rue qui donne dans celle du Four-Saint-Germain, 5, rue du Sabot, triste nom s’il en fut. Ma troisième disgrâce est M. Cousin ; je me suis enterré dans cet homme depuis le 1er octobre, et j’ai écrit cinq articles énormes, qui paraîtront dans la Revue de l’Instruction. On m’avait donné liberté entière, et j’en ai usé. Les leçons que j’allais reprendre se sont trouvées malades de la poitrine, et M, Andral vient de les envoyer à Pau. J’ai couru les toits et les gouttières pour en trouver d’autres, et sans en trouver d’autres.
Quid non mortalia pectora cogis
Auri sacra fames !
M. Hachette a lu mon manuscrit de Tite-Live, et me demande des corrections que je ne sais pas trop comment faire, n s’agirait de l’écrire dans le style de mon voyage aux Pyrénées, ce qui n’est pas très commode. Enfin M. Buloz m’a demandé un gros article sur Dickens. Vous voyez que l’occupation ne m’a pas manqué, heureux artiste, heureux lettré, qui regardez les vaches de Normandie, et cette belle herbe fraîche dont on aurait envie de manger ! J’en ai mangé, j’en mangeais, de cœur du moins et d’imagination, à Fontainebleau quand j’ai reçu votre