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League, et de la ligue de l’enseignement national, National Education League, sont célèbres dans l’histoire britannique du milieu du siècle. Le maintien de la suprématie maritime n’était pas un objet moins digne d’un grand effort national que le libre-échange ou l’instruction du peuple. On devait donc organiser au plus tôt une ligue permanente de la « marine nationale. » Dégagée de toutes associations de parti, la ligue prendrait pour devise ces paroles de Cobden : « J’aimerais mieux voir dépenser 100 millions de livres que de laisser menacer la suprématie maritime dont dépend l’existence même de notre commerce. » La Navy League se constitua, et l’un de ses membres les plus actifs fut lord Charles Beresford, l’initiateur du mouvement de 1888. La ligue avait un programme simple. Elle ne devait point empiéter sur la responsabilité et l’initiative des chefs constitutionnels de la marine ; son rôle n’était ni de chercher à déterminer des plans stratégiques, ni d’imposer des méthodes de construction ou d’organisation aux conseillers techniques de l’Amirauté. Elle devait se cantonner sur le terrain financier, sur le principe, désormais accepté par les deux partis, que la force de la marine britannique serait à l’avenir tenue constamment en état de battre les marines réunies de deux autres puissances quelconques. La ligue navale a joué et joue encore un rôle très actif. Elle exerce un contrôle incessant sur les prévisions budgétaires annuelles, exigeant qu’elles répondent aux nécessités établies d’accroissement, tant du personnel que du matériel. Elle a été un puissant instrument pour la création et pour le développement dans le pays de la tendance à attacher aux questions maritimes un intérêt primordial, d’une intensité toujours croissante.

C’était une grande hardiesse que de prendre les dépenses des autres puissances comme base invariable de calcul pour les crédits à affecter à la marine britannique. L’application de ce principe pouvait, devait provoquer les autres puissances à des dépenses toujours plus fortes. Les fondateurs de la Navy League ne virent cependant aucun moyen d’échapper à cette conséquence fatale. Pour l’Angleterre, placée dans une dépendance absolue de sa marine, toute autre ligne de conduite aboutissait à l’organisation de la défaite.