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flottes réunies de la France et de la Russie. Cette supériorité fut-elle obtenue ? Elle ne le fut pas, tout au moins aussi complètement que l’avaient espéré l’Amirauté, la Ligue et tous ceux qu’intéressaient les affaires de la marine.

La France, dans ces quatre années 1893-96, lança le Charles-Martel, le Jauréguiberry, le Carnot, le Bouvet, le Masséna, le Charlemagne, le Gaulois et le Saint-Louis, huit cuirassés de premier rang, de moindre déplacement que les neuf Majestic anglais, mais ayant la même vitesse, et à peu près le même armement. D’autre part, l’Angleterre ne se décidait toujours pas à construire de nouveaux croiseurs cuirassés, se contentant des sept Orlando de 1887, tandis que la France venait de créer, après le Dupuy-de-Lôme, de 1890, le Latouche-Tréville, l’Amiral Charner, le Bruix, le Chanzy et l’Amiral-Pothuau, de seconde classe il est vrai, et un peu inférieurs au Dupuy-de-Lôme. De nos chantiers étaient également sortis, dans cette période, un certain nombre de croiseurs protégés, de faibles dimensions, mais ayant une vitesse de 19 à 20 nœuds. Notre flotte s’était enrichie de nouveaux torpilleurs de haute mer ; cependant nous ne possédions pas encore de ces contre-torpilleurs, destroyers, dont l’Angleterre s’était donné déjà une quarantaine.

Quant à la Russie, elle avait mis à flot, de 1893 à 1896, les cuirassés Sissoï-Veliky, Petropavlosk, Poltava, Sevastopol, Tri-Sviatitelia (les quatre derniers de 11 000 à 12 500 tonnes), trois autres cuirassés à éperon de 4 100 tonnes, deux beaux croiseurs cuirassés de 11 200 et 12 200 tonnes, Riurik et Rossia, des canonnières cuirassées, des croiseurs torpilleurs, une vingtaine de torpilleurs de haute mer. Elle avait commencé, dans la Mer-Noire, l’organisation semi-commerciale, semi-militaire, des croiseurs de la flotte volontaire.

L’activité navale de l’Allemagne s’était un peu ralentie pendant la période ici considérée ; mais les navires mis à flot dans les années antérieures entraient silencieusement en service et constituaient les embryons des fortes escadres que Guillaume II rêvait de créer pour l’expansion du prestige de l’Allemagne et pour la protection de son commerce maritime dans le monde entier.

L’Union américaine n’avait pas perdu son temps. De 1892 à 1896, sortirent des chantiers les cuirassés et les croiseurs cuirassés, qui, en 1898, détruisirent si brutalement cette marine