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n’ignore-t-on pas en Angleterre que la constitution d’un matériel naval magnifique, le plus beau du monde, ne saurait suffire, si le personnel, à qui ce matériel est confié, n’est pas ou n’est plus un personnel d’élite. Or l’effectif naval en Angleterre est aujourd’hui de 130 000 hommes. Que de faiblesses, que de causes secrètes de dissolution, de relâchement de la discipline, d’insuffisance de l’instruction, implique un pareil nombre !

La question d’une grande réforme à opérer, dans les méthodes d’instruction du personnel des officiers de la flotte, était posée devant l’opinion publique depuis plusieurs années. Jusqu’alors, les officiers des trois branches du service, officiers de mer ou « exécutifs, » officiers mécaniciens, officiers des troupes de marine, étaient recrutés et instruits d’après des méthodes différentes, indépendantes l’une de l’autre. « L’officier marin, s’il n’est un canonnier ou un torpilleur, n’a qu’une connaissance limitée de la mécanique, bien que le navire sur lequel il sert soit une énorme usine remplie de machines ; l’officier mécanicien n’a jamais rien appris des services du marin ; l’officier fusilier, faute d’une instruction première à la mer, est obligé, malgré lui, de rester inactif, alors que les autres sont occupés à un travail incessant. » Ainsi s’exprimait l’exposé des motifs du projet de réforme du personnel naval, qui fut présenté au Parlement le 16 décembre 1902 par le premier lord de l’Amirauté et complété par un rapport présenté le 24 du même mois, veille de Noël. Ce projet offrait une solution large, rationnelle, judicieuse au moins en théorie, de la grosse difficulté relative à la situation particulière des officiers mécaniciens. Il s’inspirait de l’exemple des Etats-Unis, où les divers corps d’officiers ont été fondus en un seul, et où l’innovation semble avoir suffisamment réussi[1]. Tous les aspirans aux grades d’officiers, dans les trois branches « exécutive, » « mécanique » et des « fusiliers marins, » entreront désormais à l’école navale comme « cadets, » dans des conditions uniformes entre douze et treize ans, l’histoire entière de la marine attestant que cet âge est celui où le caractère marin peut le plus heureusement se former ; c’est aussi celui où les enfans quittent

  1. Dans son dernier rapport annuel (19 décembre 1903), le secrétaire de la marine des États-Unis, M. Moody, se félicite, avec le chef du « Bureau of Navigation » et le chef du « Bureau of Steam Engineering » des résultats satisfaisans produits par l’acte du 3 mars 1899, qui a fusionné les officiers mécaniciens avec les autres officiers de marine.