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de l’enveloppe gazeuse de notre globe, nous ne verrions plus le ciel bleu. Nous aurions, en permanence, au-dessus de nos têtes, un dais de ténèbres. La nuit, ce sombre voile serait percé de points brillans, les étoiles. Le jour, nous y verrions se détacher crûment le globe du soleil ; et celui-ci aurait l’aspect d’un disque violet, d’après le physicien américain Langley. Les rayons du soleil qui n’arriveraient pas directement à notre œil seraient pour nous comme non avenus. Ils ne peuvent, en effet, susciter, dans le vide ambiant aucune illumination diffuse. L’espace interplanétaire et intersidéral est une cave ; c’est une immense chambre noire, traversée par les faisceaux lumineux émanés du soleil et des étoiles, d’une manière silencieuse et secrète, puisqu’il n’y existe point de poussières en suspension susceptibles, par leur éclairement, de nous en révéler le sillage.

La situation est bien différente à la surface de la terre où nous vivons. Nous sommes en quelque sorte enveloppés d’un bain de lumière ; elle est blanche à notre horizon et bleue au-dessus de nos têtes. Elle est due à notre atmosphère gazeuse, poussiéreuse et brumeuse, que les rayons du soleil illuminent dans toute son épaisseur pendant le jour, dans ses couches supérieures seulement pendant l’aube et le crépuscule. Dans les nuits sans lune, c’est-à-dire où manquent à la fois les rayons directs et réfléchis du soleil, tout disparait, lumière blanche et lumière bleue ; tout est noir autour de nous et au-dessus de nous ; et l’obscurité serait absolue si les rayons des étoiles, pâles substituts des rayons solaires, ne provoquaient un certain degré de diffusion analogue. Il n’en serait pas ainsi si le bleu du ciel avait une origine extérieure à notre planète ; il ne subirait point d’extinction nocturne.

Il est donc bien certain que le ciel azuré est contenu dans les limites de notre atmosphère terrestre. Sa profondeur extrême est la hauteur même de celle-ci, c’est-à-dire relativement faible. Gay-Lussac, Biot, Humboldt, lui assignaient une valeur de 43 à 45 kilomètres d’après les données fournies par la durée du crépuscule ; l’observation des étoiles filantes permet de reculer ses bornes à 200 kilomètres ; celle des aurores boréales les reporte à 800 ou 900 kilomètres. L’atmosphère ne peut, en tous cas, dépasser le point où la valeur de la force centrifuge deviendrait égale à la pesanteur, c’est-à-dire environ 35 000 kilomètres. C’est aussi la plus grande profondeur du ciel azuré.


C’est donc notre atmosphère seule qui forme le dôme azuré que notre imagination reculait dans les profondeurs de l’espace