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éclairées par les cierges et l’électricité juste assez pour donner à la cérémonie un caractère idéal, surnaturel, absolument extraordinaire. Ce cadavre revêtu de rouge, cette face altérée par la mort et par l’embaumement, ces torches, ces uniformes brillans, ce solennel murmure de prières, ces chants qui retentirent à l’entrée dans la basilique, cette marche qui ressemblait à un triomphe, cet arrêt du corps auprès de la Confession de Saint-Pierre, à l’endroit où tant de fois Léon XIII avait béni les pèlerins et joui de leurs acclamations, cette immense nef à moitié plongée dans l’ombre, ces papes de bronze et de marbre qui, à la clarté vacillante des cierges, semblaient se lever sur leurs tombes pour accueillir leur successeur, tout cet ensemble remuait le cœur, excitait la pensée, et mettait des larmes dans tous les yeux.


Dimanche 26. — Mise au tombeau du Pape. Cérémonie longue et mal organisée. Le corps a été transporté de la chapelle du Saint-Sacrement dans celle du chapitre où il a été cloué dans ses trois cercueils. Puis on l’a transporté au pied du tombeau provisoire qu’il doit occuper jusqu’à sa translation à Saint-Jean-de-Latran. Les ouvriers se sont montrés d’une maladresse insigne pour hisser la bière jusqu’à la niche funèbre qui est située à quatre ou cinq mètres de hauteur et ils ont mis une heure à exécuter un travail qui n’aurait pas ailleurs duré plus de cinq minutes.


III

Alors s’abattit sur la Ville Eternelle une maladie contagieuse et périodique qu’elle seule connaît et dont la science ne tuera jamais le microbe. Il y avait vingt-cinq ans qu’on n’en avait pas souffert, mais elle sévit en moyenne chaque dix ans, faisant de nombreuses victimes dans tous les rangs de la société romaine, noblesse, bourgeoisie et peuple, surtout dans la prélature grande et petite, et chez les journalistes, dont aucun n’est épargné. Ordinairement personne n’en meurt, et on en guérit après quelques jours ou quelques semaines, quoique plusieurs restent atteints pendant un certain temps de dyspepsie, d’humeurs noires et de courbatures. C’est la fièvre du conclave. Elle se manifeste par des symptômes particuliers qui varient suivant le tempérament