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du système, les bienfaits de l’État moderne étaient si nouveaux et si palpables dans ces milieux, qu’ils devaient exercer une irrésistible force d’attraction.

Beaucoup de ceux qui ont assisté aux réorganisations de 1801, de 1803, de 1806, ont pensé que la France eût pu retirer encore, pour son établissement et son influence en Allemagne, de l’œuvre politique qu’elle accomplissait, un bien autre profit que celui qu’elle a paru un moment appelée à en recueillir.


III

Et lorsque, sous cette forme nouvelle, la domination française pénétrait en Allemagne, elle y retrouvait la trace séculaire des influences matérielles, intellectuelles, morales, de l’ancienne France, auxquelles la division, la dispersion politique de l’Allemagne avait depuis deux cents ans ouvert son territoire. Dans le grand-duché de Berg, sur la rive droite du Rhin, Beugnot réunissait sous son administration une mosaïque de territoires de toutes provenances, ayant appartenu aux maîtres les plus différens, à l’ancien Palatinat bavarois, à l’ancien État prussien. Il écrivait, en racontant sa prise de possession : « Oh ! comme il en aurait peu coûté pour s’attacher les Allemands, qui ne résistent pas au prestige de la gloire militaire, aux yeux desquels le serment de fidélité n’est pas un titre vain, et qui ressentaient pour la France je ne sais quel vieux penchant dont nous les avons cruellement corrigés ! »

Le ministre du roi de Bavière, ce fils du XVIIIe siècle français, qui s’appelait Montgelas, ce ministre de la Confédération du Rhin qui avait laïcisé, révolutionné la catholique Bavière, et fondé le royaume de Bavière, savait à peine écrire en allemand. « L’inclination de la nation était tournée en faveur des Français, écrivait-il plus tard : l’habitude d’anciennes alliances, les services rendus, avaient naturalisé ce sentiment ; on les regardait toujours comme les défenseurs naturels de l’indépendance de la Bavière. »

Et le roi de Bavière lui-même, Maximilien-Joseph, était d’éducation plus qu’à moitié française. Lorsqu’il n’était qu’un cadet de branche lointaine, fort éloigné de toute perspective de régner jamais, il avait passé une bonne partie de sa vie en France, à Strasbourg, officier des régimens français de