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Page:Revue des Deux Mondes - 1904 - tome 20.djvu/362

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Seul, émergeant là-bas des hautes vagues d’or
D’où fuse et vibre un vol musical d’alouette,
Impassible et dressant sa noire silhouette,
Malgré l’effluve ardent, un homme marche encor.

Et l’obscur paysan semble une ombre égarée,
Ou figure un pêcheur depuis longtemps parti,
Que le hameau croyait dans l’abîme englouti,
Et qui, vainqueur des flots, rentre avec la marée.


LE VANNEUR


Les épis lourds et qu’a mûris l’ardeur solaire,
Foule innombrable éparse au tranchant de l’acier,
Ont répandu déjà leur trésor nourricier,
Car le froment sacré s’étale et couvre l’aire.

Reconnaissant du tendre et mystique salaire
Qu’il sait en son robuste amour apprécier,
Un tâcheron sépare, avec son van grossier,
L’ivraie et le grain pur d’un geste séculaire.

Le ciel bleuit, que nul orage n’a troublé,
Et dans la vaste cour, l’humble vanneur de blé
Travaille seul parmi les gerbes amassées.

O mon âme, où Dieu mit des fermens de vertu,
Pareille au tâcheron agreste, puisses-tu
Ne retenir aussi que de bonnes pensées.


LA RÉCOLTE


Le ciel voilé d’octobre, à la terre indulgent,
Est taché par endroits de nuages d’argent
Que frôle un souffle amer d’exhalaisons salines.
Les grappes par milliers saignent sur les collines,
Comme saigne le pampre aux feuillages rougis.
La joie et les rumeurs désertent les logis
Dont tout le peuple, ainsi qu’une ruche, murmure
Autour des ceps dorés par la vendange mûre,