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ces arsenaux sont munis du matériel le plus perfectionné et l’on comptait même pouvoir bientôt y construire des cuirassés. Ils paraissent à l’abri de toute tentative ennemie, surtout Kuré, placé au fond de la mer Intérieure, où aucune flotte n’oserait s’aventurer. Montée par 35 000 hommes qui ont fait leurs preuves d’endurance, de bravoure et de discipline pendant la guerre de Chine, la marine japonaise est un instrument de combat formidable ; elle l’a suffisamment montré.

Les mêmes réserves auxquelles nous avons fait allusion en parlant de l’armée de terre peuvent se présenter ici à l’esprit ; mais, sans les négliger absolument, il semble qu’il y ait moins lieu de s’y arrêter. La guerre sino-japonaise a été une épreuve plus concluante pour la marine que pour l’armée mikadonale, parce que la marine chinoise s’est beaucoup mieux défendue et était mieux outillée que l’armée de terre. La bataille du Yalou a fait époque dans l’histoire des guerres navales et, comme les grandes marines européennes n’ont pas eu à tirer le canon contre un ennemi sérieux depuis plus de trente ans, les officiers japonais sont les seuls, avec les Américains, à connaître par expérience ce qu’est le maniement à la guerre des énormes et délicats instrumens que sont les cuirassés, comme des minuscules et dangereux torpilleurs. Ne seront-ils pas tentés de trop s’entêter, comme certains croient déjà qu’ils l’ont fait, devant Port-Arthur et de fatiguer leur flotte en lui faisant trop longtemps tenir la mer ? Il faudrait, encore ici, pour répondre, être mieux éclairés que nous ne le sommes par des dépêches tendancieuses, tronquées, confuses et contradictoires. Nous touchons à ces facteurs moraux obscurs qui ont une si grande influence à la guerre, mais qu’il est impossible de déterminer à l’avance.


IV

Nous avons vu quelles étaient les aspirations du Japon et les forces dont il dispose pour les réaliser. Mais, pour mettre en œuvre ces forces elles-mêmes, il a besoin d’un autre facteur encore. L’argent, dit la sagesse des nations, est le nerf de la guerre et, certes, elle n’a pas tort. Quelles ressources financières possède donc le Japon ? Voilà une question à laquelle il semblerait plus facile de répondre qu’aux précédentes, puisqu’elle porte