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Page:Revue des Deux Mondes - 1904 - tome 20.djvu/440

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une histoire sérieuse de notre ancienne école de peinture aura le devoir de rechercher dans les collections d’outre-Manche les œuvres de ce caractère. Notre exposition en eût pu montrer d’assez nombreuses, au cas où leurs possesseurs actuels eussent consenti à leur arracher l’étiquette fausse d’un Duccio ou d’un Gentile. Au reste, l’Angleterre n’est pas seule à renfermer de ces souvenirs de notre activité. M. le consul Weber, de Hambourg, homme d’une très haute culture artistique, nous confie un triptyque quadrilobé, de provenance parisienne, que sa découverte à Dijon fit autrefois attribuer à Broderlam. Or, ce n’est pas Broderlam, c’est autre chose ; c’est à la fois moins habile et plus franchement primitif. Si l’on osait prononcer le nom de Jean d’Orléans, c’est à lui qu’on penserait.

Le problème posé de cette manière au Pavillon de Marsan, dans un local spécialement consacré aux œuvres de grande peinture, trouvera à la Bibliothèque nationale les élémens de solution dans les manuscrits exposés par les soins de M. Léopold Delisle. Là se découvriront dans leur majestueux ensemble les manuscrits illustrés pour les princes de la maison de Valois, ceux du roi Jean et de ses quatre fils, Charles V, Louis d’Anjou, Jean de Berry et Philippe de Bourgogne. Par eux nous constaterons les rapports des peintres aux enlumineurs de livres, la concordance des compositions et des thèmes. Peut-être montrerons-nous le manuscrit de Cambrai où Jean Bandol prit les élémens des cartons de l’Apocalypse d’Angers. Nous apercevrons alors la prééminence des Parisiens, car ils seront là en nombre et affirmeront leur existence de façon à ne plus laisser douter d’eux. Certains, — et non des plus connus, — serviront à établir ce que les Très riches Heures de Chantilly démontreront mieux encore, l’éclectisme et l’internationalisme du duc Jean de Berry, le plus raffiné des quatre frères dans sa passion de collectionneur. Le Louvre autorisera la sortie de ce panneau singulier et troublant, le Martyre de saint Denis, attribué à Jean Malouël, qui est sûrement de la main du dessinateur des Heures de Chantilly et de l’un des collaborateurs du manuscrit 66 du fonds français de la Bibliothèque. On dit les frères Limbourg auteurs de ces dernières œuvres, et l’on a cru découvrir un rapport de parenté très étroit entre eux et Jean Malouel. Or, les Limbourg sont Gueldrois ; mais, lorsqu’ils arrivent à Paris, ils touchent à leurs quinze ans bien juste. Un autre problème