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Page:Revue des Deux Mondes - 1904 - tome 20.djvu/589

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réputation européenne. Il y travailla trente-deux ans. Grâce à l’emploi de la lumière oblique, il obtint une carte très expressive, très pittoresque, et dont le succès fut complet, lorsqu’on la vit dans son entier étalée à l’Exposition universelle de 1867.

Quand le gouvernement français prétendit exiger de la Suisse l’expulsion du prince Louis-Napoléon, Dufour se déclara avec chaleur pour le maintien du droit d’asile. En 1847, lorsque la lutte entre le parti radical, en majorité protestant, et le parti conservateur catholique fit éclater la guerre dite du Sonderbund, Dufour dut prendre, avec le titre de général en chef, le commandement des troupes dirigées contre les cantons catholiques. Il parvint à étouffer la résistance en deux mois, sans grande effusion de sang. Trois fois encore il fut investi du commandement suprême : en 1849, pour empocher les insurgés badois de violer la neutralité de la Suisse ; en 1856, lorsqu’il s’agit d’occuper le Rhin après l’insurrection de Neuchâtel ; enfin, en 1859, durant la guerre d’Italie. Nommé membre du Conseil d’État de Genève en 1863, il rendit d’éminens services à son pays comme homme politique. Et, à côté du militaire distingué, du magistrat intègre, il y avait encore, chez Dufour un philanthrope éminent. Rappelons en passant qu’il se mit à la tête du mouvement inauguré par l’ouvrage de M. Henri Dunant intitulé : Un souvenir de Solférino, et qui devait aboutir à la<fondation de la Croix-Rouge. Dufour présida, en 1864, le congrès international réuni à Genève en vue de conclure un traité pour la neutralisation des ambulances, du personnel sanitaire et des blessés. Les mérites de Dufour dans la création de cette institution humanitaire ne suffiraient-ils pas à immortaliser son nom ?

Il va sans dire qu’au cours de sa longue carrière, les distinctions honorifiques ne lui manquèrent pas, bien qu’il ne les recherchât nullement. Après avoir reçu la croix de la Légion d’honneur en 1814, il devint officier de cet ordre en 1831, grand-officier en 1852, enfin grand-croix le 25 janvier 1866. Il était décoré de la Couronne de fer de première classe, du grand cordon des ordres des Saints-Maurice et Lazare, de la Rose du Brésil, etc.

Ajoutons, pour être complet, que le général Dufour a publié plusieurs ouvrages estimés sur les travaux de guerre, sur l’artillerie ancienne, sur les fortifications, sur les vaisseaux de guerre dans l’antiquité, sans parler de divers mémoires, tels que celui sur la campagne du Sonderbund, et de nombreux articles de journaux.

Nous arrivons maintenant aux lettres adressées par Napoléon III à Henri Dufour.

La première en date est écrite d’Arenenberg, le 6 octobre 1830. Le prince avait alors vingt-trois ans. Il faisait, ses préparatifs pour se rendre en Italie avec sa mère.