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Page:Revue des Deux Mondes - 1904 - tome 20.djvu/653

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I

La guerre, le prosélytisme religieux et le commerce ont été, de l’aveu de tous les historiens de la géographie[1], les plus puissans mobiles de l’exploration du monde. S’il faut en croire Petermann, le célèbre géographe allemand, les chasseurs passionnés partageraient avec les missionnaires le mérite d’avoir été les pionniers les plus heureux dans l’Afrique centrale. N’oublions pas, surtout pour la France, nos officiers des armées de terre et de mer qui, depuis La Pérouse et Franklin jusqu’au colonel Flatters et au commandant Lamy, ont fourni leur gros contingent de martyrs à la cause de la science géographique. Mais, même en faisant très large la part qui revient aux officiers, chasseurs et traitans, celle des missionnaires est encore assez belle pour leur faire grand honneur. Ils sont en effet, en vertu de leur office, mieux placés que personne pour explorer un pays, observer les mœurs de ses habitans. Tandis que le chasseur, le soldat, le résident même, ne font que traverser, tout au plus passer quelques années dans la contrée, le prêtre colonial ou le missionnaire qui a voué sa vie à la conversion d’une tribu ou d’un peuple, y demeure dix, quinze et parfois vingt années, si le climat ne l’a pas moissonné avant l’âge. Pour peu qu’il ait des notions élémentaires de géométrie et d’astronomie, il peut relever les longitudes et latitudes d’un lieu, mesurer les altitudes au moyen du baromètre et, s’il n’est pas toujours en état de dresser lui-même la carte du pays, il fournit du moins les élémens nécessaires au géographe. On sait d’ailleurs qu’un certain nombre de missionnaires, surtout des Jésuites, ayant poussé fort loin l’étude des mathématiques, ont été des astronomes éminens, par exemple le P. Ricci, le P. Secchi. Les hommes du moyen âge ne soupçonnaient, en dehors de l’Europe, que deux continens : l’Asie et l’Afrique. C’est d’abord vers l’Asie, ce berceau du genre humain, que se sont tournés leurs regards curieux. Les croisades, en géographie comme dans d’autres domaines, éveillèrent l’esprit humain, engourdi pour ainsi dire par la laborieuse assimilation des barbares à la civilisation. Au XIIIe siècle, les défenseurs de la chrétienté d’Occident,

  1. Vivien de Saint-Martin, Histoire de la Géographie, p. 272.