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critique à l’éducation spéciale qu’il ne peut acquérir que par la vue et la comparaison des œuvres d’art.

Mais, en regard des ressources infinies dont dispose la nature, celles du peintre sont relativement très limitées, c’est par son talent, son instinct ou son intelligence qu’il arrive à suppléer à leur insuffisance. La composition, l’heureuse répartition des masses, le choix des détails et leur subordination à l’idée qu’il veut exprimer, le rythme des lignes, la vivacité ou la douceur de l’effet, la justesse des tonalités dans leurs rapports respectifs, la richesse ou la sobriété discrète des colorations, l’harmonie dominante qui en résulte, triste ou éclatante, le caractère de l’exécution, naïve ou savante, bien d’autres élémens encore sont entre les mains de l’artiste autant de moyens d’expression qui tous ont leur prix et qui tirent de leur concours une puissance singulière pour assurer la signification et le mérite de son œuvre. A la façon dont il use de ces moyens, le peintre se découvre et se peint en quelque sorte lui-même, avec les qualités propres de son esprit, avec ses gaucheries ingénues ou ses habiletés, avec les nuances multiples qui constituent sa personnalité. Tel, dans les plus humbles sujets, comme un La Fontaine dans ses fables, fait paraître un art supérieur et déborde le genre modeste où il s’est confiné. A varier, comme il le fait, des formes et des nuances, à donner aux moindres objets figurés par lui un relief et un attrait piquant de grâce ou de beauté, il nous révèle dans les réalités prochaines avec lesquelles nous vivons des charmes dont nous n’avions pas soupçonné l’existence.

Tous les procédés techniques, tous les moyens d’expression du peintre, si intimement liés au fond même de son art, méritent donc d’être étudiés de près, et l’accroissement ou la diminution d’intérêt qui résultent pour son œuvre de leur emploi plus ou moins judicieux peuvent être notés d’une façon précise par ceux qui savent voir ; cette étude même devient pour eux l’occasion de jouissances aussi abondantes que variées.

Cependant l’artiste n’est pas isolé. Suivant le temps et le lieu où il a vécu, il a reçu de l’école à laquelle il appartient et des maîtres auxquels il a été confié des enseignemens qui ont présidé à sa formation. Quelles autres influences a-t-il subies ? Dans quelle mesure s’en est-il affranchi et à quel moment ? Quelle part d’originalité s’est-il faite ? L’école même de laquelle il est sorti, quelle est son origine ? Quel a été son développement et son