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LÉONCE DE LAVERGNE
SOUVENIRS PERSONNELS ET DOCUMENS INÉDITS

Il est des hommes qui, suivant le mot célèbre, ne remplissent pas tout leur mérite. Doués des plus heureuses facultés, faits pour briller sur la scène du monde, ils sont sans cesse arrêtés dans leur élan par les circonstances adverses. Mais, pourvus d’un ressort extraordinaire, ils se raidissent contre les coups de la fortune, et, se frayant à travers la vie une voie nouvelle, ils finissent par imposer leur supériorité et conquérir la renommée.

Telle a été la destinée de Léonce de Lavergne.

Tout d’abord diplomate et politique sur le point d’atteindre le premier rang, il a vu sa carrière brisée par la Révolution de 1848. Improvisé, par un tour de force intellectuel, professeur d’économie rurale, un caprice peu explicable du second Empire lui a enlevé sa chaire au bout de deux ans.

La science lui restait ; elle a été la consolation et l’ornement de sa vie ; elle demeure son meilleur titre à l’applaudissement et à la reconnaissance de ses contemporains.

Rendu à la vie publique par les événemens du 4 septembre, il a bien vite repris dans la politique le rang qui lui appartenait. Député à l’Assemblée nationale, sénateur inamovible, il touchait au pouvoir lorsque la maladie l’a terrassé, enchaînant à jamais son activité et jetant sur les dernières années de sa vie un voile de tristesse.

Intelligence de premier ordre, esprit juste et fin à la fois, âme élevée, caractère indépendant, il avait toutes les qualités de