Page:Revue des Deux Mondes - 1904 - tome 20.djvu/835

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

impolitiques et odieux. Or, comment voulez-vous que la vieille diplomatie et la vieille politique ne soient pas désolées de voir surgir un Homme d’État qui méprise les anciennes maximes et qui a réussi en suivant des voies nouvelles ? D’un autre côté, fidèle à mes sermens, et catholique, apostolique et romain autant que mon curé, je ne crois pourtant pas à l’avenir. Voilà, Monsieur, bien des griefs. Quoi qu’il en soit, l’ouvrage a fait un peu son chemin. Sous votre protection, il arrivera à bon port. Vous seul l’aurez fait connaître. Bien qu’on en ait beaucoup parlé, on n’a pas fait voir ce qu’il renfermait ou de nouveau ou d’utile, et votre bon esprit m’aura mieux suivi dans ce que j’ai prétendu prouver.

Savez-vous que je ne suis pas tout à fait sans espérer de vous voir bientôt ? Les médecins, qui viennent de me tirer beaucoup de sang, veulent tous que je voyage, et je tourne les yeux vers le Midi. Je pourrais bien passer par Toulouse : vous sentez combien je serais heureux de pouvoir vous embrasser, et vous dire de vive voix combien je vous suis attaché et combien je vous remercie.

Tout à vous bien sincèrement, Monsieur, et à jamais.

CHATEAUBRIAND.


Vous voyez que j’ai été obligé de dicter à Hyacinthe et vous voudrez bien me pardonner. Mme Récamier se porte un peu mieux et tous vos amis vous regrettent.


Paris, 19 juin 1838.

Je n’ai qu’un regret, Monsieur, c’est que votre dernier article, qui a paru hier, n’ait pas été imprimé dans un journal plus répandu. Vous trouverez tout simple ce souhait de ma vanité. Jamais on n’a mieux fait connaître le Congrès de Vérone ; jamais on n’en a parlé plus en connaissance de cause et en même temps avec plus de bienveillance et de talent. Remarquez-vous, Monsieur, la sottise des royalistes, qui ne voient pas ce que je leur ai fait gagner dans le public par mon dernier ouvrage, et qui prennent pour argent comptant la chicane de mauvaise foi de quelques ennemis ? C’est, au reste, ce qu’ils ont fait toute leur vie. Ils ont crié contre le Génie du Christianisme, les Martyrs, la Monarchie selon la Charte, etc., etc., et ils m’ont culbuté en 1824 au moment où je leur gagnais la partie. Ils me laissent à moi seul le succès du Congrès de Vérone, au lieu de s’en parer comme ils le devraient en gens habiles.

J’ai toujours quelque espérance d’aller vous remercier à Toulouse le mois prochain. Vous ne doutez pas, j’espère, du plaisir que j’aurai à vous embrasser et à vous dire toute ma reconnaissance.

Mme Récamier est partie hier pour Châtenay ; elle va passer un