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Page:Revue des Deux Mondes - 1904 - tome 20.djvu/873

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Griffant de ses pieds nus la terre qui les mord,
Me couvre d’ombre avec sa charge de bois mort.
Je ne puis écarter cette image importune,
Il m’apparaît qu’au prix d’une toile infortune
L’amoureuse douleur n’est qu’un songe, et voici
Que j’ai honte de croire encore à mon souci.


VII


Il n’est rien de vivant qui ne vieillisse point.
Dans un tour de soleil tient un destin de rose.
La feuille, au mois de mars bourgeon vierge qui point,
En novembre se décompose.

A son midi, la femme est déjà près du soir.
Hélène, le funeste honneur des Tyndarides,
Insensible à Pergame en feu, dans son miroir
Considère en pleurant ses rides.

Les livres ont, hélas ! aussi leur lendemain ;
Le meilleur avant peu voit sa grâce offensée :
Le temps qui vient à bout du langage romain
Flétrit la plus fraîche pensée.

Cesse donc, ô mon fils, de poursuivre en tout lieu
Les courtes voluptés où ton désir se trompe ;
Reconnais humblement qu’il n’est point, hors de Dieu,
De beauté qui ne se corrompe ;

Et, sûr dès à présent que ton cœur se forgeait
Une espérance aux ans rapides mesurée,
Occupe ton amour enfin du seul objet
Qui domine sur la durée


VIII


Je retrouve, en rentrant ce soir à mon foyer,
Fidèle, hélas ! ma Douleur sombre,
Et je laisse aussitôt mon bel orgueil ployer
Auprès d’elle à genoux dans l’ombre.