Page:Revue des Deux Mondes - 1904 - tome 20.djvu/880

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

paradis terrestre sous prétexte de leur ouvrir l’accès d’un paradis imaginaire ? »

C’est être bien mal informé. Sauf trois grandes religions : le mazdéisme, le bouddhisme et l’Islam, qui exercent, dans une faible mesure, une influence morale sur leurs adeptes, les cultes polythéistes n’ont aucune vertu éducatrice. On en jugera par cette esquisse des mœurs des païens, que je vais tracer d’après les relations de voyageurs indépendans.

Les païens fétichistes sont en général paresseux et imprévoyans comme des enfans ; ils travaillent juste assez pour se procurer les alimens au jour le jour. Les hommes chassent et pèchent, tandis qu’ils imposent les plus rudes besognes à leurs esclaves et à leurs femmes. Ils ne savent pas épargner pour les mauvais jours ; s’il arrive une mauvaise récolte, tout un peuple se trouve réduit à la famine. Avec cela, ils sont vaniteux et se croient supérieurs aux Européens ; cet orgueil même les empêche d’améliorer leur genre de vie. Ajoutez le mensonge et la ruse, qui dominent chez les Arabes et les Malais.

Mais ce ne sont encore que des défauts de surface ; il y a chez les païens deux vices, qui y font d’autant plus de ravages que leur religion ne sert de rien pour les combattre, l’intempérance et le libertinage. Qui ne sait les effets, meurtriers pour les indigènes, des boissons alcooliques importées par les traitans européens dans l’Afrique et en Océanie ? Les souverains musulmans sont, grâce à un article du Coran, les plus, rigoureux adversaires de l’alcoolisme dans le continent noir. Et, à leur tour, les puissances de l’Europe, qui y avaient des colonies, sont intervenues au Congrès de Bruxelles, pour limiter et contrôler la vente de ces poisons, qui déciment la population.

Dans d’autres pays, d’ancienne civilisation, tels que la Chine, l’Hindoustan et l’Indo-Chine, c’est l’opium qui joue le rôle de substance enivrante et n’est pas moins toxique. On sait quels ravages l’opiomanie produit chez les Chinois : dans la province du Yunnan, limitrophe du Tonkin, il y a 80 pour 100 d’hommes et 50 pour 100 de femmes qui fument ce narcotique abrutissant. Heureusement qu’en Birmanie et au Japon, les gouvernemens, soutenus par le clergé bouddhiste, ont interdit la vente de l’opium. Mais, chose honteuse à dire, le gouvernement d’une nation soi-disant chrétienne s’est jusqu’ici refusé à interdire la culture et l’exportation de cette plante narcotique, par le motif