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sans hésiter, par les sœurs Franciscaines, qui l’avaient déjà secondé dans son œuvre[1]. Piquée d’émulation par cette charité héroïque, miss Reed, une jeune Américaine, après avoir travaillé plusieurs années à l’œuvre des zenanas, quittait son foyer de l’Ohio et allait s’établir, seule avec une femme de chambre lépreuse, à Pithoagarh, près Chandag, sur un des contreforts méridionaux de l’Himalaya, pour se consacrer à un groupe de lépreux établi tout près de là (1890). Elle avait, certes, fait le sacrifice de sa vie. Eh bien ! grâce à une hygiène et une antisepsie rigoureuses, il paraît, d’après ses dernières nouvelles, qu’elle est, au bout de douze ans, sortie indemne de cette périlleuse expérience.

Après cet exposé des résultats obtenus par les missions chrétiennes de toute confession, dans le domaine des sciences et de la morale, de la famille et des relations internationales, nous espérons que tout lecteur impartial verra tomber la plupart de ses préventions et avouera qu’elles venaient en partie de l’ignorance des faits, en partie du préjugé. Que les missions étrangères, depuis trois ou quatre siècles qu’elles sont organisées, aient rendu des services à la géographie et à la linguistique, combattu et souvent vaincu les fléaux qui désolent l’humanité, et contribué à former des types d’individus plus nobles, des familles plus unies et des relations entre les peuples plus fraternelles, cela paraîtra sans doute démontré.

« Mais, dira-t-on, tout cela n’empêche pas que les missionnaires ne soient des hommes compromettans, des enfans terribles, qui, par leur zèle convertisseur, provoquent les révoltes chez les indigènes, ou bien, par leurs réclamations, à la suite de dommages causés à leurs stations par la réaction violente des païens, entraînent la mère patrie dans des conflits sanglans. En d’autres termes, comme on l’a dit récemment au Parlement, n’oublions pas que « le plus sûr agent de la guerre, c’est le missionnaire[2]. »

Nous concédons, tout d’abord, qu’il y a eu sans doute des imprudences, peut-être même des fautes graves commises par certains chefs de mission qui, dans des cas particuliers, étaient plutôt les instrumens de la politique du gouvernement de leur

  1. Voyez l’article sur R. L. Stevenson voyageur, Revue des Deux Mondes, 1er sept. 1902.
  2. Discours de M. Sembat, séance du 29 janvier 1903.