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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




13 avril.


Nous nous étions fait peu d’illusion sur les résultats de la grande bataille parlementaire que tant de champions, dont quelques-uns paraissaient animés d’une ardeur intransigeante, avaient engagée contre M. Pelletan. Nous nous demandions, il y a quinze jours, si M. Doumer irait jusqu’au bout ; il n’est pas allé jusqu’au bout : il s’est arrêté à moitié route, et il a laissé en plan ceux qui, confiant dans son coup d’œil et dans son courage, s’étaient rangés autour de son fanion. On a établi tout de suite une comparaison entre lui et M. Millerand. Ce dernier, dans le rude assaut qu’il a livré au ministère, a été, il est vrai, battu, mais de peu, et on lui a su gré, après avoir ouvert le feu, de ne l’avoir ni ralenti, ni suspendu, et d’avoir brûlé sur la brèche sa dernière cartouche. L’objurgation que M. Jaurès lui a adressée sous forme d’homélie ne l’a nullement décontenancé, tandis qu’il a suffi à l’orateur socialiste de tourner brusquement ses foudres contre M. Doumer pour le faire battre en retraite. Ce que voyant, le ministère n’a plus hésité à se solidariser avec M. Pelletan : il a obtenu une majorité de quatre-vingts voix. C’est plus qu’il n’espérait sans doute, et plus assurément qu’il ne méritait.

Il n’est douteux, en effet, pour personne que M. Pelletan est un brouillon qui a mis le désordre dans la marine, et dont le maintien à la tête de ce département est un « péril national. » Nous empruntons le mot à M. Doumer : il n’a pas craint de le prononcer à la fin et comme conclusion de son discours. Si M. Pelletan crée un péril national, il fallait tout de suite et à tout prix le renverser. Il fallait l’essayer du moins, et le moyen était tout trouvé : c’était la nomination