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de la session sera rude pour lui. Mais elle ne durera que six ou sept semaines, et peut-être cela le sauverait-il encore. Le 14 juillet sera bientôt arrivé.


L’expédition des Anglais au Thibet a attiré l’attention, ces jours derniers, parce que le corps expéditionnaire qui marchait sur Gyan-tsé sous les ordres du général Macdonald a rencontré quelque résistance à Gourou, et a dû y brûler de la poudre. Au point de vue matériel, ce combat n’a pas eu d’importance : il a permis seulement de constater une fois de plus le sang-froid du soldat britannique. Mais, au point de vue moral, il a précisé le caractère de l’opération. On avait dit d’abord qu’elle était toute politique, comme en témoignait la présence du colonel Younghusband, qui était chargé d’une négociation ; l’événement a montré, comme on s’en doutait d’ailleurs, qu’une opération diplomatique soutenue par de l’infanterie, de la cavalerie et de l’artillerie était une opération militaire. Les quelques coups de fusil échangés à Gourou, dans des conditions bien inégales, car les Thibétains n’avaient que de vieilles armes hors d’usage tandis que les Anglais disposaient des derniers produits de l’art, ont rendu cette vérité évidente. Si l’on a cru un moment en Angleterre qu’on atteindrait le but sans coup férir, on s’est trompé.

Les illusions de ce genre sont d’ailleurs extrêmement fréquentes dans l’histoire coloniale : elles sont vite dissipées, à supposer qu’au point de départ elles aient toujours été sincères. Les Thibétains ont tendu aux Anglais un piège qui n’a pas été bien dangereux pour ceux-ci, et où ils sont tombés eux-mêmes. Ni leur organisation militaire, qui est nulle, ni leur armement, qui est primitif, ne leur permettent d’opposer à l’envahisseur une digue redoutable. Les Anglais, cette fois, n’ont pas affaire à des Boers. Mais le pays même leur créera des difficultés très grandes, et il suffit que les habitans ne leur soient pas favorables pour en faire un champ d’opération laborieux. On a décrit souvent le Thibet, ou du moins ce qu’on en connaît. C’est le pays habité le plus élevé du monde, le plus froid, le mieux défendu par des montagnes d’où se détachent pendant l’hiver de terribles avalanches, et d’où sortent pendant une partie de l’été des torrens d’eau et de boue. La population y est rare. Elle est gouvernée par de véritables congrégations religieuses, sous les lois d’une théocratie mystérieuse et dure. Nos hommes d’État français auraient beaucoup de choses excellentes à y faire, si on pouvait les y transporter et les y laisser. Il y a au Thibet un assez grand nombre de