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Page:Revue des Deux Mondes - 1904 - tome 21.djvu/130

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[1], » est une bien vertueuse et bien honnête femme qui est estimée de tout le monde... Elle vit fort bien avec son mari, comme s’il était non seulement son égal, mais de meilleure condition qu’elle. » La Palatine ne lui reconnaît qu’un défaut, c’est de tenir la Vieille ordure pour une dame pieuse, tandis qu’elle est un diable. « Mais c’est, ajoute-t-elle, l’effet de son bon cœur ; elle ne veut ni ne peut penser du mal d’une dame qui l’a aimée de tout temps et s’est bien conduite à son égard. »

Mme de Dangeau demeura de tout temps en effet en grande faveur auprès de Mme de Maintenon. Elle fut une des rares personnes qui pénétrèrent dans son intimité sans appartenir à sa famille ou sans être fille de quelqu’une de ses amies de jeunesse. D’assez fréquentes lettres s’échangeaient entre elles[2]. Les lettres de Mme de Maintenon, qui ont été publiées, témoignent de la haute faveur où Mme de Dangeau était arrivée. Dans une de ces lettres elle la presse d’accepter une invitation à ces Marlys si recherchés, et, pour l’y attirer, elle lui promet qu’on passera par-dessus ses manies. « Vous y trouverez votre santé, vos plaisirs, votre gaieté. On vous souffrira avec tous vos défauts : robe de ouate, écharpe, bonnets, serviettes sur la tête, ce sont tous ceux que je vous connais. Cette chambre est blanche comme vous, et sèche comme moi. »

La mort de Louis XIV porta une sensible atteinte à la situation de Dangeau. Il n’était plus rien et se retira dans l’hôtel qu’il s’était fait construire à Paris, rue de Bourbon. Peu de temps après, il eut une attaque d’apoplexie. Il en releva, mais demeura infirme. Sa femme le soigna admirablement ; en même temps elle s’efforçait de l’amener à des habitudes de piété plus exactes. Du courtisan, ancien huguenot, elle voulait faire un pénitent à la façon de Port-Royal. Mme de Maintenon ne l’en détourne pas, mais, avec ce bon sens et cette mesure qui étaient sa qualité dominante, elle tempère un peu le zèle de Mme de Dangeau. « Je crains, lui écrivait-elle, que vous ne rebutiez M. de Dangeau ; vous êtes austère, et vous ne comprenez point assez la force de

  1. Édition Jgælé, t. II, p. 260 et 288.
  2. Les lettres de Mme de Maintenon à Mme de Dangeau se trouvent dans la Correspondance générale, dans Mme de Maintenon d’après sa Correspondance authentique et dans le Catalogue de la Collection Morrisson. Les lettres de Mme de Dangeau à Mme de Maintenon font partie de la riche collection des Archives de Mouchy. Il nous a été permis d’en prendre connaissance. Elles n’ont rien de remarquable et confirment ce que Saint-Simon dit du peu d’étendue de son esprit.