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celui-là soit nôtre, tandis que l’autre... il faut se taire ! » Mme de Maintenon se réjouit de leur entente, « car la conformité des sentimens augmente bien l’amitié » et cette conformité « la console sur Mme de Dangeau. » Le jansénisme avait en effet quelque peu séduit Mme ’= de Dangeau, comme il avait séduit, en ce temps, par son austérité beaucoup de nobles âmes, ce qui est son honneur et son excuse. Voici en quels termes Mme de Maintenon rend compte d’une explication qu’elles avaient eue ensemble à Saint-Cyr même : « Elle me fit le matin un long éclaircissement sur le jansénisme dans lequel elle me montra tout ce que j’avais cru voir en elle. Il n’y a point de jansénistes. C’est un prétexte pour persécuter les plus honnêtes gens ; leurs mœurs sont respectables ; tout ce que nous appelons le bon parti voulait plaire au Roi par intérêt. » Mais cette dispute ne les éloigne pas l’une de l’autre, bien au contraire. « N’allez pas croire que les disputes dont je vous ai rendu compte aient mis la moindre froideur entre Mme de Dangeau et moi. Je lui répondis, ce me semble, avec beaucoup de douceur sur le jansénisme, et les instances qu’elle me fît pour demeurer ici quelquefois étaient accompagnées de tant de tendresses qu’il faudrait être plus brutale qu’un cheval pour n’en être pas touchée. Je le suis plus que je ne puis vous le dire, et je ne comprends pas même qu’on puisse avoir tant de goût et d’amitié pour une personne qui ne peut plus être qu’un objet de pitié, de dégoût et de tristesse ; » et elle conclut : « Il faut bien souffrir que chacun pense à sa mode. » Ainsi l’âge et l’expérience l’avaient rendue humble et tolérante ; ce n’est pas le fait de toutes les femmes de quatre-vingts ans.

Mme de Maintenon avait encore un autre sujet de préoccupations auquel son cœur était particulièrement sensible, c’était les épreuves par lesquelles passait alors celui qu’elle appelle « mon bue du Maine. » Ce fruit d’un double adultère, comme dit Saint-Simon, expiait alors assez durement la faveur quelque peu scandaleuse dont il avait été l’objet. Légitimé deux ans après sa naissance, revêtu successivement des charges de cour les plus importantes, reconnu habile à succéder à la couronne, investi par le testament de Louis XIV d’une autorité sur la personne du jeune Roi qui contre-balançait celle du Régent, il se voyait dépouiller, l’une après l’autre, de toutes les faveurs dont il avait été comblé. Non seulement le Parlement avait cassé les dispositions du testament de Louis XIV qui le concernaient, mais les