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Page:Revue des Deux Mondes - 1904 - tome 21.djvu/221

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« Détendons l’alliance franco-russe, » disait récemment Jaurès. Non, la détendre n’est pas suffisant !

Il faut la rompre et au plus tôt !

A bas l’alliance russe I


Que M. le professeur Hervé ait de telles opinions et les appuie d’argumens aussi inattendus, le fait est en vérité de peu d’importance. Mais ce qui est grave, c’est que ces opinions servent de leading article à une Revue que lisent un grand nombre d’instituteurs dont l’esprit critique est en général insuffisamment armé et qui sont les éducateurs des enfans du peuple !...

Que d’ailleurs quelques sophismes puissent venir à bout de faire prendre le change au bon sens national, c’est ce qu’il n’y a pas lieu de redouter pour le moment. M. Combes l’a compris ; il a bien promis que la France n’entreprendrait aucune guerre sans l’assentiment des Chambres ; mais lui, d’ordinaire si condescendant aux suggestions de M. Jaurès, il a senti la nécessité de se séparer ostensiblement, du moins sur le terrain de la politique extérieure, du brillant porte-parole du socialisme parlementaire ; dernièrement, le ministre des Affaires étrangères a affirmé, lui aussi, avec force, que notre politique s’appuyait « sur la base immuable de l’alliance russe. » Les théoriciens de l’internationalisme se sont heurtés à une vague de fond du sentiment populaire, à laquelle ni le pompeux enchaînement des raisonnemens spécieux, ni le fantôme des grandioses abstractions ne sauraient faire obstacle ; ce sont eux, s’ils s’obstinaient à vouloir l’arrêter, qui risqueraient d’être emportés par l’impétuosité du flot. Cette fois, on peut le dire, c’est vraiment la nation qui a imposé sa volonté à ses gouvernans.

Si désintéressés qu’ils soient, les vœux que la France forme pour le succès complet des armées russes correspondent cependant à des intérêts matériels très précis. Notre pays n’a pour le Japon aucun sentiment malveillant ; il a contribué à l’initier à la civilisation européenne, et il a applaudi à son rapide essor ; mais les ambitions impatientes de l’impérialisme nippon lui ont inspiré des craintes pour la sécurité de notre empire Indo-Chinois : une défaite des Japonais en Mandchourie, terminant une guerre ruineuse pour eux, nous délivrerait pour de longues années de toute inquiétude en Indo-Chine. La Russie victorieuse, définitivement installée sur le Pacifique, aurait achevé sa