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Page:Revue des Deux Mondes - 1904 - tome 21.djvu/269

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consulté par le roi des Pays-Bas, il a dit qu’il fallait d’abord s’adresser aux autres grandes puissances et qu’il était obligé, lui aussi, de tenir compte de l’opinion allemande ; il ne savait si une convention avait été conclue ou non. « Par ce langage j’évite toute rupture, mais si vous me faites savoir qu’un traité est conclu, je serai obligé de le dire, en ajoutant que je le tiens de l’ambassadeur de France, et, vu l’excitation des esprits, une explosion incalculable se produira. » Ils étaient arrivés en causant ainsi à la porte de l’Assemblée : « Maintenant, dit Bismarck, voulez-vous me faire encore votre communication ? — Non, » répondit Benedetti. Et Bismarck entra dans la salle des séances.

Bennigsen posa deux questions : 1° Est-il à la connaissance du gouvernement que les bruits chaque jour plus répandus de négociation entre les gouvernemens de France et des Pays-Bas au sujet de la cession du grand-duché de Luxembourg soient fondés ? — 2° Le gouvernement est-il en situation de faire connaître au Reichstag, — dont tous les partis sont d’accord pour l’aider énergiquement à repousser toute tentative de séparer de la patrie commune une vieille terre allemande, — s’il est décidé à maintenir, quoi qu’il advienne, le lien qui rattache le grand-duché de Luxembourg au reste de l’Allemagne, et notamment le droit de garnison de la Prusse dans la forteresse de Luxembourg ? Cette interpellation fut développée avec force déclamations et menaces. Chacune de ses phrases agressives était soulignée par des trépignemens, des cris d’enthousiasme, de joie. C’était le sentiment en ébullition dans tout cœur allemand qui faisait explosion.

Bismarck ne se laissa pas entraîner. Impassible, il jeta de l’eau sur cette fournaise sans redouter la fumée qui s’en échapperait. Il commença par contester la thèse du discours de Bennigsen qui supposait le Luxembourg partie intégrante de l’Allemagne : « Le duché ne fait plus partie de la Confédération et a récupéré sa pleine souveraineté. » Il écarta aussi la seconde partie de l’interpellation en refusant de prononcer le oui ou le non qu’on lui demandait. « Ce texte est peut-être de nature à plaire à une représentation du peuple, mais il n’est pas conçu dans le langage que la diplomatie a l’habitude de tenir en traitant des rapports internationaux tant que ces rapports peuvent être maintenus dans la voie pacifique. » Employant le mot négociation au sens diplomatique strict, notes et dépêches, et ne considérant pas comme telles les pourparlers confidentiels, il nia que des négociations