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Page:Revue des Deux Mondes - 1904 - tome 21.djvu/282

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Le 11 janvier 1886, il dit au Reichstag : « Nous avons, je crois, combattu en 1870 dans des conditions plus favorables que celles dans lesquelles nous aurions lutté en 1867. » Le 6 février 1888, il dit encore : « Suivit la question du Luxembourg, où il suffisait d’une réponse un peu plus ferme faite par nous (peut-être l’eussions-nous donnée si nous avions été alors assez forts pour prévoir avec assurance un heureux succès) ; il suffisait, dis-je, d’une telle réponse pour amener dès ce moment la grande guerre française. » Il y revient encore dans ses Mémoires, tant cette idée le hantait : « Je ne doutais pas qu’il fallût faire une guerre franco-allemande avant que l’organisation générale de l’Allemagne pût être réalisée. Ma pensée dominante était alors de retarder cette guerre jusqu’au moment où nos effectifs seraient au complet. En songeant aux succès des Français en Crimée et en Italie, je regardais la guerre comme un danger, je me l’exagérais alors. Il était donc naturel de chercher à retarder cette guerre jusqu’à ce que les effets de notre législation et de notre éducation militaire eussent pu se développer complètement dans toutes les régions qui n’appartenaient pas à la vieille Prusse. Ce résultat que je poursuivais n’était pas atteint au moment où se produisit la question du Luxembourg ; il ne l’était pas même approximativement[1]. »

Dans cette circonstance, comme dans tant d’autres, l’homme d’État voyait plus clair que le militaire. L’armée prussienne, exaltée par la victoire, était, quoique excellente, loin d’être parvenue à ce maximum d’entraînement, à cette perfection de mécanisme qu’elle obtint par quatre années d’efforts extraordinaires : ses canons d’acier se chargeant par la culasse n’étaient pas terminés ; les défauts révélés par la dernière campagne n’étaient pas corrigés. Les États du Nord annexés ou confédérés n’étaient pas encore solidement entrés dans le régime militaire prussien, et les États du Sud restaient tout à fait en dehors : les Parlemens de Bavière et de Wurtemberg n’avaient pu être amenés à ratifier les traités militaires conclus en août ; le ministre bavarois à Berlin avait reçu l’ordre de ne pas laisser ignorer au président du Conseil que la Bavière ne saurait, dans un court délai, se mettre en mesure de prêter à la Prusse un concours armé ; le Wurtemberg s’était réservé de discuter le casus fœderis. L’organisation militaire des États du Sud n’était pas définitivement arrêtée : les mesures

  1. Souvenirs, t. II, p. 62.