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Aucune autre méthode ne sera utile et efficace et ne permettra à nos lois militaires d’obtenir du chiffre de nos ressources, qui à première vue paraît fixe, un rendement supérieur et des chances décisives.

Examinons successivement ces conditions.

Il est évident que, si nous habitions une île comme l’Angleterre, nous aurions une tout autre conception des formations nécessaires. Il est évident encore que, si nous avions pour voisin un monarque autocrate, nous devrions tenir compte du danger que présenterait sa faculté de décisions sans limite ; aussi bien, si nous étions gouvernés par un monarque absolu, serait-il possible de concevoir un instrument militaire différent de celui qui convient à notre république.

Or, nous sommes en république, et nous avons en face de nous un empire déforme constitutionnelle, mais qui, en matière militaire surtout, offre, de par sa constitution, à l’Empereur des facultés de décision exceptionnelles.

Enfin, nos opérations militaires s’engageront, pour la première fois peut-être dans l’histoire du monde, sur un terrain que les états-majors des deux pays ont respectivement, depuis trente ans, préparé pour la lutte.

Tels sont les deux élémens primordiaux du calcul. L’examen attentif qu’ils méritent peut seul nous conduire à la notion des nécessités de la guerre et, en ce qui concerne nos soldats, à la notion du nombre et des catégories militaires indispensables.

L’Empereur allemand a, disons-nous, l’avantage singulier d’une faculté de décision sans contrôle immédiat. Il est certain qu’il lui est possible, d’abord, de rendre la guerre inévitable, comme le fit la Prusse en 1870 ; ensuite, d’ordonner confidentiellement un commencement de mobilisation, tel qu’il lui donne environ 48 heures d’avance sur nous, sans que nous puissions, — quand ce ne serait que par crainte de provoquer l’irrémédiable, — soit le prévenir, soit même le suivre dans un délai plus court.

Le gouvernement français n’a pas cette faculté de rendre, proprio motu, la guerre inévitable. S’il peut nous l’attirer par une maladresse individuelle, aucun ministère, sans nul doute ne s’y hasarderait, de propos délibéré, dans l’état actuel de l’opinion. Il lui serait même très difficile, pour ne pas dire impossible, de prendre de simples mesures de précaution sans soulever