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l’avance, pour courir les chances d’un retard incalculable, sans avantage certain, en dirigeant ses forces vers un théâtre d’opérations imprévu, qu’il soit belge ou suisse.

La question ainsi présentée s’éclaire d’elle-même.

Nous sommes menacés d’une offensive soudaine de nos voisins ; il nous faut, pour y parer, des « troupes de couverture, » et il faut que ces troupes de couverture soient plus fortes que les leurs ; il nous faut également des fortifications capables de mettre à l’abri d’un coup de main les ressources colossales qu’offrirait pour l’ennemi la possession d’une ville comme Nancy, ces fortifications, inexpugnables, mais en petit nombre, pour ne pas paralyser nos ressources, et pour permettre la reprise de l’offensive, étant destinées à recevoir immédiatement les formations territoriales des régions frontières dotées d’une organisation et d’obligations spéciales.

En second lieu, il nous faut, à l’intérieur, des corps d’armée à contexture stratégique et des troupes actives organisées de manière à encadrer, solidement et avec cohésion, les élémens qui constitueront le « gros » dont l’ « armée de couverture » aura été l’avant-garde. Étudions successivement ces deux armées.

Nous avons dit que notre « armée de couverture » devait être supérieure à celle de nos voisins. Allons-nous entrer dans un calcul de corps d’armée, d’ailleurs non comparables, les organisations étant différentes ? Allons-nous dire qu’aux XIVe, XVe et XVIe corps allemands, convergens vers la frontière et doublés des élémens bavarois, hessois et rhénans, immédiatement disponibles, nous devons opposer quatre ou cinq corps d’armée convergens, eux aussi, vers la frontière ? C’est là une question d’organisation générale et stratégique qui sortirait des limites de cette étude.

Nous dirons seulement que l’organisation de la « couverture » allemande lui permet évidemment de masser en quarante-huit heures à une journée de marche de la frontière au moins 300 000 hommes groupés en unités complètes et susceptibles d’être jetés sur Nancy, le second jour. Nous dirons, par conséquent, que nous devons obtenir un résultat, sinon supérieur, du moins égal ; que nos unités échelonnées le long de la frontière doivent donc être aussi nombreuses et susceptibles d’être portées à un effectif tel que, complété par les réservistes stationnés à