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le commandement des mêmes chefs, — plus la troupe aura de valeur, plus elle aura de chances de succès.

Inversement, plus les élémens actifs seront noyés sous les flots de nouveaux arrivans, plus ils auront de chefs et de soldats improvisés, et plus on aura de présomptions de défaite.

Ce raisonnement a contre lui d’être en opposition avec le principe même de la loi présentée. Malheureusement pour elle, il est irréfutable.

Il comporte, il est vrai, — à moins des réformes financières dont nous parlions plus haut, — une réduction systématique et voulue de notre faculté d’encadrement, au bénéfice de notre puissance militaire. Il réduit le nombre de notre armée de première ligne, mais pour la rendre plus forte. Mais on pourrait sans doute atténuer cet inconvénient en n’appliquant cette règle qu’aux combattans et en laissant au contraire les non-combattans recevoir une quantité de réservistes prépondérante, ce qui serait rendu facile par le développement des dispositions prévues, jusqu’à distinguer entre eux dès l’entrée au service.

En tout cas, il faut ou contester, ou admettre le principe posé plus haut ; il faut choisir entre la force et le nombre, entre l’armée et la cohue.

C’est, au fond, choisir entre la confiance et la panique.

J’entends bien que les auteurs militaires ont préféré souvent fondre la totalité de nos réservistes avec l’armée active, et pousser ainsi jusqu’à 1 500 000 ou 2 millions d’hommes les armées de première ligne. On attribuait seulement une proportion moins grande de soldats actifs à chaque unité, ce qui permettait d’en économiser un certain nombre, destiné, disait-on, à encadrer une plus grande quantité de réservistes ; mais ce procédé illusoire diminuait inévitablement la qualité de l’unité et aggravait la fragilité de nos formations.

J’entends bien encore que la loi actuelle est une loi destinée à nous donner une armée de réservistes, et non une armée de ligne renforcée ; mais c’est justement pour ce motif que la loi actuelle nous paraît frappée, comme la précédente, de la « folie du nombre, » d’autant qu’au point de vue numérique, nous sommes déjà certains, malheureusement, de nous battre trois contre quatre ; et, par conséquent, nous ne pouvons plus espérer l’emporter par la supériorité militaire.

Que nos formations de réserve et nos formations territoriales