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occidentale ou allemande. C’est en 1882 que s’ouvre le Gothard : de 1881 à 1883, le mouvement du port de Gênes s’élève brusquement de 2 025 147 à 2 455 773 tonneaux de jauge nette. De 1888 (les chiffres antérieurs nous manquent) à 1902, le transit international de Gênes s’élève de 127 749 à 379 460 tonnes de marchandises, et encore ces chiffres, les seuls qui soient officiels, sont-ils certainement fort au-dessous de la vérité[1] : aujourd’hui, c’est plus de 10 pour 100 du commerce extérieur que représente, d’après ces mêmes données, le transit international génois. Inversement, à Marseille, le transit international, qui était de 91 775 tonnes de marchandises en 1881, est tombé en 1882 à 75 111 tonnes pour descendre jusqu’à 52 663 tonnes en 1886, et, bien que son chiffre se soit fortement relevé depuis lors, il ne représente plus aujourd’hui que 4 pour 100, — au lieu de 10 pour 100 à Gênes, — du commerce extérieur. Notez d’ailleurs que le transit génois, qui absorbe à lui seul, dit-on, 9 pour 100 du mouvement du Gothard, augmente chaque année, favorisé par les bas tarifs des droits de port et par toutes les facilités qu’offre au commerce un « dépôt franc » fort bien géré et qui donne aux négocians, sous un régime protecteur, l’illusion du libre-échange. Notez enfin que c’est le but auquel tendent maintenant tous les efforts des Génois de développer, avec leur exportation, leur transit, et qu’ils y arriveront tout naturellement et sans beaucoup tarder, avec l’ouverture du tunnel du Simplon.

A les entendre, la prochaine ouverture du Simplon n’aurait pour le commerce génois qu’une importance secondaire, négligeable : je crains bien, hélas ! qu’ils ne soient trop sûrs du supplément de bénéfices qui en sortira pour eux ! Le Simplon percé, c’est Lausanne à 419 kilomètres de Gênes (au lieu de 568 sur Marseille) ; c’est Genève à 479 kilomètres de Gênes (au lieu de 520 sur Marseille) : c’est donc, selon la logique, tout le transit de la Suisse occidentale ou française, — plus de deux cent mille tonnes par an, — attiré à Gênes au détriment de notre grand port méditerranéen, lequel ne l’avait conservé depuis le percement du Gothard qu’assez péniblement et grâce à de fortes réductions des tarifs de la compagnie P.-L.-M. ; pis encore, c’est peut-être le

  1. Cela vient de ce que les statistiques font figurer aux importations nombre de marchandises à destination de Milan, Luine ou Chiasso et qui sont tout de suite réexpédiées de là sur la Suisse et l’Allemagne. Les chiffres ci-dessus sont extraits des Rapports annuels de la Camera di commercio ed arte de Gênes.