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ports soit à des boards locaux, soit à des compagnies de chemins de fer : la Belgique, la Hollande, l’Allemagne, en faisant chaque ville maritime maîtresse de son port. Un haut fonctionnaire autrichien, chargé de missions, se présentait, il y a quelques années, muni de lettres d’introduction pour le gouvernement hollandais, aux autorités du port de Rotterdam : « Il n’y a pas ici de gouvernement hollandais, lui fut-il répondu, il n’y a que la municipalité de Rotterdam ! » En France, au contraire, tous les ports sont d’Etat, et si l’Etat les exploite mal, s’il se montre dans cette exploitation encore plus mauvais industriel et mauvais commerçant qu’ailleurs, c’est qu’au lieu d’être concentrée dans une main unique, l’administration de chaque port est divisée entre l’ingénieur en chef, représentant les Travaux publics, le commandant de la Défense mobile, représentant la Marine, le Directeur des Douanes, représentant les Finances, la Chambre de commerce, les compagnies de chemins de fer et les compagnies concessionnaires de docks, d’entrepôts, etc. C’est la même chose en Italie, — c’était jusqu’à ces derniers temps la même chose à Gênes, — avec cette aggravation que la division, non du travail, ce qui serait excellent, mais de l’autorité, ce qui est détestable, y était plus grande encore, et que, comme il y avait pour toutes les affaires à demander un vote au Parlement ou une signature aux ministres, c’était la porte grande ouverte aux abus, — qui ne sont pas exclusivement italiens, — de la corruption électorale.

Depuis quelques années déjà, l’idée s’était fait jour à Gênes de soustraire la gestion de cette grande industrie, le port, aux fluctuations de la politique et aux tiraillemens des administrations, pour en remettre la charge à une autorité unique, spéciale et indépendante. L’un des premiers promoteurs de ce plan avait été un Génois d’illustre famille, un descendant de ce fameux doge Lercari qui, venu en France, après le siège de Gênes, apporter à Louis XIV l’hommage de la République, répondait spirituellement aux questions des courtisans que ce qui l’étonnait le plus à Versailles, c’était de s’y voir : le marquis Impériale di Sant’angelo, député de Gênes. En 1898, il avait présenté au Parlement un projet de loi pour créer à Gênes un Conseil des « Gouverneurs du Port, » lesquels eussent été les successeurs de ces vieux magistrats au nom sonore, les Conservateurs de la mer, Conservatores maris, dont on voit encore au Museo civico le drapeau