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Page:Revue des Deux Mondes - 1904 - tome 21.djvu/535

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tour ait indiqué où étaient les chances. Tout gouvernement ayant le souci de sa stabilité doit les proscrire. D’ailleurs, quoi de plus illogique que de ne pas se contenter au premier tour d’une majorité relative qui suffira au second ? Dans les élections académiques, on exige la majorité absolue, mais on s’y tient jusqu’à la fin, et, dussent les tours de scrutin se multiplier à l’infini, il n’y a pas élection tant que cette majorité absolue n’a pas été obtenue. Il en est de même dans une élection plus haute, celle du Souverain Pontife par le Conclave.

Tous ces points parcourus et discutés, l’Empereur me dit : — « Je suis de votre avis : il faut que je fasse quelque chose de résolu et de libéral. Mais j’hésite sur l’opportunité. N’aurais-je pas l’air de vouloir me faire pardonner mes échecs au Mexique et en Allemagne ? Par des raisons qu’il serait trop long d’expliquer, je n’ai pas pu profiter des affaires allemandes et je suis obligé de revenir du Mexique. Dans cette situation, des concessions ne m’affaibliraient-elles pas ? — Je ne le crois pas, Sire. Je pense qu’elles calmeraient l’opinion, à laquelle, d’ailleurs, vous ne pouvez accorder d’autre satisfaction, puisque vous ne voulez pas la guerre. — Ne dira-t-on pas que j’ai abdiqué entre les mains de mes ministres ? — C’est aujourd’hui, Sire, qu’on le dit. La réalisation du plan que médite Votre Majesté serait, au contraire, aux yeux de l’opinion, comme un réveil, une reprise d’énergie. A toute chose il y a des objections ; elles n’arrêtent que les petits esprits ; dès qu’on a trouvé la raison de décider, il faut s’avancer sans en tenir compte. — Ne vaudrait-il pas mieux, afin de ne pas se donner l’air de fuir devant une discussion, ajourner jusqu’après le vote de l’Adresse ? — Je ne le crois pas. Pendant cette discussion, des demandes impératives de liberté seront renouvelées, et la décision que vous aurez ajournée paraîtra une obéissance à leurs sommations. Il suffira d’une note au Moniteur, annonçant d’avance que le gouvernement acceptera la première interpellation sur les affaires d’Allemagne ou sur les affaires d’Italie, et l’on verra bien que ce n’est point par crainte de la discussion que vous supprimez cette vieillerie inutile de l’Adresse. Quant à vos intentions de réformes, le mieux sera de les annoncer dans le discours du Trône, dont l’effet sera d’autant plus grand qu’on n’attend plus rien de libéral de Votre Majesté et qu’on en craint tout le contraire, un coup à la Narvaez. — Je le sais, » répondit-il.